Il s'agit d'un petit texte fort sympathique d'une nonne japonaise, maître zen soto contemporaine. Le texte a été publié en Japonais en 1983. la traduction en français par Martine Senrin Haegel-Huck date de 2000.
Le texte commence fort puisqu'il commence d'emblée sur mujo seppo :
"Dans la vallée, l'eau de tout fleuve ne cesse jamais de couler. Pas même pour un instant elle n'interrompt le flux rapide de son cours. Son murmure, pour moi, est le son même du temps. Entre les berges de l'univers, le fleuve du temps coule sans arrêt. Bien qu'ils soient emportés moins rapidement, les pierres, les arbres, les maisons et les villes passent également. La vie des êtres humains et tout ce qui vit passe pareillement. Il en va de même pour les idées et la culture. Tout cela nous parait permanent, mais il ne s'agit que d'une illusion.
Que nous soyons homme ou femme, nous nous donnons beaucoup de mal pour tenter de maintenir les choses telles qu'elles sont. En réalité, seul l'être humain se plaint de la nature transitoire de toute chose.
(...) Dans l'instant même où nous nous incluons dans ce continuel devenir, nous pouvons trouver la joie dans cette constante transformation. (...) Au début d'une période de zazen, alors que la cloche a sonné l'établissement du silence - shijo- et que tout devient silencieux, la voix du fleuve s'amplifie jusqu'à devenir claire et forte. Par la suite, lorsque nous marchons à petits pas, lentement et recueillis - kin hin - ce son s'atténue de beaucoup. A peine le signal de pause - chukei - a-t-il marqué la fin de la période de recueillement, que le murmure du fleuve s'évanouit complètement. Comment cela est-il possible?
En réalité, la voix du fleuve qui coule n'augmente ni ne diminue, elle ne disparaît pas non plus. Lorsque les vagues de notre esprit se sont calmées, nous pouvons entendre la voix de l'eau et des cailloux, de l'herbe et des arbres, des ruisseaux et des montagnes qui nous enseignent. Mais ces êtres inanimés cessent leurs sermons dès que nous nous complaisons à penser aux affaires du monde. A ce moment-là, ce sont nos oreilles qui deviennent sourdes, car, en ce qui les concerne, ils n'interrompent pas leurs discours. (...) lorsque notre attention est distraite, nous ne voyons plus ni n'entendons plus. (...) Des yeux et un esprit illuminés devraient reconnaître que chaque moment a sa propre forme qui est différente de tout autre moment."
A partir du moment où vous êtes à l'écoute du monde qui vous entoure vous entendez la singularité de chaque chose. Le problème c'est d'articuler cette attention à la singularité avec l'injonction "ne pas discriminer". Bien sûr dans l'injonction "ne pas discriminer" il y a le fait de ne pas projeter ses propres catégories sur les choses. C'est là où le langage se révèle souvent être un piège. Quand on est à l'écoute du réel c'est souvent la pauvreté du langage qui transparait.
"Il y a un abîme entre l'existence dans laquelle on s'obstine à vivre, attaché à sa propre façon de voir en créant une grande quantité de faux problèmes, et l'existence qu'on vit en abandonnant tranquillement ses propres points de vue dans la lumière de Bouddha qui vous illumine avec sérénité. "
Tout au long du texte Shundô Aoyama s'attache à rendre sensible cette abîme souvent avec légèreté. C'est peut-être ce qui me surprend le plus dans ce texte. On peut avoir le sentiment par moment de percevoir davantage l'esprit japonais que l'esprit universel du Bouddha. Par contraste, j'arriverais peut-être à percevoir ce qu'il y a de typiquement français dans ma manière de penser.
Mujo seppo occupe une place importante dans ce petit livre. Il en est à nouveau question p 68.
"La vie et la voix de Bouddha sont présentes partout dans le ciel et sur terre et se manifestent en toutes choses."(...) Tout comme le singe Wu-k'ung, nous ne pouvons pas nous éloigner de la main de Bouddha"Héhé, je reparlerais bientôt de ce singe Wu-k'ung, qui est le personnage clé d'un classique de la littérature chinoise: Le singe pélerin de Wou Tch'eng-en.
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