"Il m'est alors enfin apparu évident que, puisque c'était le vérité que je cherchais - même si je pensais aussi à la célébrité - c'était devant les sages de l'Antiquité et les personnes de bien de l'avenir qu'il fallait me faire humble, au lieu de m'efforcer d'être bien considéré par mes contemporains vulgaires"
Ceci explique, en partie le caractère intemporel du Shôbôgenzô. A l'inverse dans ce texte, on a presque l'impression parfois d'être dans la cuisine, dans les coulissses tant la parole est plus directe au risque parfois de faire apparaitre certaines croyances alors qu'elles sont absentes du Shôbôgenzô.
"II-15 (p101) Lors d'un enseignement du soir, maître Dogen a dit : Nombreux sont les gens du commun qui, lorsqu'ils font le bien, veulent le faire savoir aux autres, et qui, quand ils font le mal veulent que ça ne se sache pas. A cause de cette mentalité ils ne sont pas en accord avec l'esprit des divinités invisibles. Pour cette raison, ils ne sont pas récompensée pour leurs bonnes œuvres accomplies. De surcroit, ils sont punis pour leurs mauvaises actions commises en secret"
Je n'ai pas encore terminé la lecture des 7 volumes du Shôbôgenzô mais ça m'étonnerait beaucoup de retrouver ces divinités invisibles. [edit : En étant attentif à cette question je me suis aperçu qu'il y avait des propos du même ordre dans le Shôbôgenzô, ce qui n'atténue en rien la portée du Shôbôgenzô.]
Les enseignements portent sur la nécessité de pratiquer la méditation assise, d'être pauvre (et donc de recourir à la mendicité), l'importance de ne pas rechercher la notoriété, le pouvoir, l'érudition, la richesse mais de suivre la voie telle qu'elle a été pratiqué par les patriarches.
Un seul enseignement, et c'est évidemment celui qui m'intéresse le plus porte sur "Mujo Seppo"
"V-06 (p173) Maitre Dôgen nous a expliqué :
Apprentis de l'Éveil , si vous n'appréhendez pas l’Éveil, c'est que vous croyez toujours en vos propres vues erronées. Vous êtes convaincus - sans même savoir qui l'a enseigné à l'origine - que l'esprit est "une activité cérébrale" ou une "vision omnisciente", et vous ne croyez pas que l'esprit est "l'herbe et les arbres". Si je vous dis "bouddha" vous penserez probablement à ses caractéristiques et à son éclat, et si j'explique qu'il est des gravats, vos oreilles seront surprises. (...) Cependant, si aujourd'hui encore l'on vous disait que l'esprit c'est l'herbe et les arbres et que les gravats sont bouddha parce que c'est désormais l'enseignement arrêté par les bouddhas patriarches et que vous changiez immédiatement vos convictions originelles, vous appréhenderiez vraiment l'Éveil authentique."
En note Kengan D. Robert explique que les gravats font allusion au dialogue entre Nanyang Huizhong et son disciple qui lui demandait : "Qu'est ce que l'esprit des patriarches du passé? Nanyang répondit : c'est des gravats" Le moine: "les objets inanimés peuvent-ils exposer la Réalité de bouddha? Nanyang "ils l'exposent tout le temps"
Les enseignements reviennent souvent sur l'idée qu'il faut abandonner ses vues personnelles. Polémiquer, même si Dogen avoue que c'était l'un de ses défauts de jeunesse, est désormais pour lui, chose vaine. L'idée de la prédication de la loi par les êtres inanimés que les êtres ordinaires ne peuvent entendre, implique qu'il n'y a rien d'autre à comprendre que ce qui peut s'entendre dans le silence de la méditation. L'idée de la prédication de la loi par les êtres inanimés (Mujo seppo) fonctionne ici comme un koan. Au lieu de se focaliser sur l"activité cérébrale", inverser la perspective : l'esprit est l'herbe et les arbres".
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