Yu Li - La chair comme tapis de prière

Quel homme au cœur droit ne brûlerait de réformer des mœurs si dégradées! S'il s'avise d'écrire un traité de morale pour persuader seulement les gens d'être bons, pas besoin de dire que personne ne dépensera un sol pour acheter son livre et quand même un généreux donateur en aurait payé l'impression, le brochage, la reliure et l'aurait offert gracieusement au public, quand les donataires ne le déchireraient pas pour s'en faire des papillotes ou pour allumer leur pipe, qui daignerait y jeter un coup d’œil. Mieux vaut donc résolument appâter le lecteur par des histoires licencieuses, de sorte que quand il se sera laissé prendre par ce qui le flatte, soudain on l'effrayera par quelques mots qui placés en coups d'épingle, lui arracheront cet aveu : "C'est donc ainsi que celui qui s'applique aux voluptés, à la longue finit par devenir un fantôme au milieu des beautés qui passent comme les pivoines; ce n'est que renom vide, on y perd le réel vrai". Peu à peu on lui soulignera un ou deux points de telle sorte que quand il en arrivera au châtiment clair et net, celui-ci lui apparaîtra comme la rétribution nécessaire à la luxure"..."Dès lors, il hésitera à prendre le chemin du mal, à s'endetter, sous peine de devoir rembourser au centuple"

"Allez chercher la plus belle femme de la terre... Quand vous serez parvenu à l'illumination à force de prier sur ce tapis de chair, vos yeux s'ouvriront sur la réalité."

"Pour étudier le bouddhisme, il faut passer par des amertumes, il faut sans cesse se fatiguer la chair, et mortifier son corps de sorte que le froid et la faim vous oppressent chaque jour jusques à tant que les pensées de luxure ne puissent naître; alors les jours de pureté succèdent aux jours d'impureté; et naturellement on deviendra Bouddha sans qu'il soit même besoin de lire les soûtras"

"Si l'on se nourrit sans labourer et si l'on se vêt sans tisser (...) alors à force de manger tout son soûl la pensée vagabonde; à force d'avoir son corps au chaud, on aime le sommeil. Si la pensée vagabonde, elle rencontre des objets voluptueux et si l'on dort, les désirs s'éveillent dans les songes. Etudierait-on beaucoup , on n'en deviendrait davantage bouddha"

"Pour étudier le bouddhisme, il faut s'abstenir des plaisirs et avoir erré parmi les dix-huit degrés de la prison terrestre."

"Même s'il n'y a pas de ciel, on ne peut pas ne pas considérer le ciel comme l'échelle vers le bien: et même s'il n'y a pas d'enfer, on ne peut pas ne pas considérer l'enfer comme une chute dans le mal et son châtiment."

"Priez assis sur un tapis de chair
Il ne tardera pas à venir le temps du remords
Ne vous lamentez pas sur un cercueil déjà clos"

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Un livre qui ne vaut guère plus que le prix que je l'ai acheté (d'occasion). Les histoires licencieuses, souvent un peu lassantes, ont au moins le mérite d'être drôles. Il est bien curieux de voir que l'homosexualité et la pédophilie soient si facilement accepté au cœur même du bouddhisme entre moines anciens et novices. La rencontre du personnage principal avec un maître tchan au début et à la fin du livre restent mes moments préférés. Je tiens à préciser qu'au moins, eux, ils ne couchent pas ensemble.


9 commentaires:

  1. Typiquement le genre de bouquin que j'aurai pu ne voir conseillé par un personnage de non enfance, travaillé par la Chine, la culture livresque et le sexe.

    Je replonge dans l'atsmosphére putride en lisant ce résumé !

    Bizarre sont les lettrés qui sont un mélange de forte culture et de dépravation.

    Merci pour les sains avertissements ascétiques

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  2. On pourrait penser que c'est un moyen pour les lettrés de sublimer leur sexualité mais j'en doute étant donné le nombre de cadavres de femmes retrouvés au fond du jardin de Sade.

    Mieux vaut ne pas se tromper de graines, en s'arrosant... Il faut donc choisir les bons livres.

    Je préfère encore lire Deshimaru même s'il n'était ni sain ni saint.

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  3. Il y a des lettrés déchus...

    Deshimaru m'avait irrigué dans le bon sens quand j'avais lu un de ses ouvrages alors je comprends cette préférence

    Je comprends un peu moins que tu le dénigre en apparence. Mais bon, ce n'est pas mon affaire, et peut-être est-ce également une façon de dire qu'un maître zen n'est pas là pour rentrer dans des cases.

    J'avoue que je serai incapable de m'en remttre à un maître non conformiste en n'écoutant que mon intuition pour ma part.

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    1. C'est mon karma. J'ai fait des études de philosophie dont tout le propos est de développer son esprit critique et de remettre en cause le principe d'autorité.

      Je n'ai aucun problème pour ressentir une profonde gratitude à l'égard de Deshimaru sans qui il n'y aurait pas autant de lieux de pratique de zazen en France.

      Cette profonde gratitude ne m'empêche de voir en quoi il n'était ni sain ni saint. Il n'était pas pour autant malsain.

      Je fais partie de ceux qui lui reproche, pas tant la cigarette et l'alcool mais le fait de croire que zazen le prémunirait des dangers de l'alcool et de la cigarette.

      J'espère que tu vois bien que ce n'est pas qu'une question d'intuition.

      Tu ne peux pas passer ta vie à dénigrer ceux qui tombent malade en disant qu'ils ne sont pas en harmonie avec l'ordre cosmique et toi-même tomber malade.

      C'est donc moins une question d'intuition que de cohérence logique.

      Il pouvait toujours dire que le zen est au delà des contradictions. La réalité l'a rattrapé.

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  4. "Je fais partie de ceux qui lui reproche (...) le fait de croire que zazen le prémunirait des dangers de l'alcool et de la cigarette.
    Tu ne peux pas passer ta vie à dénigrer ceux qui tombent malade en disant qu'ils ne sont pas en harmonie avec l'ordre cosmique et toi-même tomber malade."

    J'aime à croire mon sentiment qui est est qu'un être réalisé peut-être au delà de toutes les exigences de la logique.
    Pour les disciples qui croiraient avoir compris ...

    Il me semble impossible de dire "untel est un réalisé" ou "untel était un demi-maître avec des faiblesses" a posteriori en fonction de nos critères.

    Pout Deshimaru en plus j'ignore quasiment tout de lui et dans ton commentaire tu m'as appris qu'ik fumait par exemple.

    Mais je crois perso que trancher en ceci est uniquement une affaire de conviction intime qui est du domaine de la foi.

    Personnellement, pratiquement, je suis avec une sorte de conformisme l'enseignement des sages qui sont parfaitement en accord avec toute forme d'éthique et de logique comme celle que tu soulève, aussi bien pour me protéger des demi ou des faux gourous et en fait de moi-même que de mon ignorance.

    Pour moi le maître transcende TOUT les standards intellectuels et éthiques.

    Mais certains faux maîtres qui sont des ordures en profitent.
    Et il n'est pas si simple se distinguer les deux car il y a des gens très très habiles, et nous sonmes parfois très très perdus dans l'ignorance.
    Enfin ça reste possible je suppose.

    Il y a des gens très paumés qui aiment à se croire des maîtres à cause de cela.

    bien à toi


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    1. PS: désolé pour le manque de soin dans l'orthographe et la syntaxe.

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  5. J'admets qu'il existe peut-être des maîtres qui transcendent TOUS les standards intellectuels et éthiques.
    Mais je n'en ai pas rencontré.

    Deshimaru a surtout l'inconvénient ne plus être vivant.

    Le maître que je fréquente me convient au point où j'en suis... et je n'ai pas la possibilité d'aller chercher mieux ailleurs.

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  6. "Le jugement c'est comme un sandwich : si tu le manges pas, tu t'en fous complètement qu'il soit bon ou pas bon."

    Pas convaincue par les affirmations de zénistes sectaires qui trollent les forums, quand ils parlent de "moeurs dégradées".

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    1. J'ignore qui parle de mœurs dégradées et pour ma part je trouve ça un peu stupide parce que je pense que s'il y a peut-être eu un age d'or du bouddhisme ou du zen ça fait des siècles qu'on nous parle de dégénérescence. Il y a un moment où cette thématique ne m'intéresse pas tant elle est répétitive et stérile à travers les siècles.

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