Ryôkan regardant au loin vers l'île de Sado

      Ce soir, après zazen, quelqu'un m'a offert une grande carte en provenance du japon, représentant Ryôkan accompagné d'un poème mais sans sa traduction. La première chose que j'ai faite en arrivant chez moi c'est d'essayer de retrouver le poème en question.







     "Le souvenir
        de ma mère
               matin et soir
quand vers les côtes de l'île de Sado
         au loin je regarde "


Brian Victoria - Le zen en guerre 1868-1945

    Il s'agit d'un texte incontournable pour celui qui s'intéresse au zen. Ce texte a parfois été utilisé pour tenter de nuire à l'expansion du zen en France et en Europe (voir ici par exemple). Ce serait oublier un peu vite qu'il a été écrit par un moine zen. Dans le zen nous passons notre temps à dire qu'il faut voir le réel tel qu'il est. Cela concerne également la réalité historique aussi accablante soit-elle. C'est le seul moyen que nous ayons de ne pas reproduire éternellement les mêmes erreurs. Le présent inclut le passé et l'avenir. C'est dans cet esprit d'ouverture à la réalité historique que ce livre a été écrit et non pour diffamer le Dharma du Bouddha.

Jean-Pierre Berthon écrit dans la préface de l'édition française:
"La première des cinq défenses du bouddhisme est l'acte d'ôter la vie à tout être vivant, même le plus infime, du règne animal ou végétal. Comment des moines ont-ils pu à ce point rompre avec cet interdit fondamental et partir au combat enlever des vies et conquérir des territoires?"

    En France nous connaissons mal  l'histoire du Japon avant la guerre du Pacifique. Nous ignorons tout de la guerre contre la Chine (1894-1895) et la Russie (1904-1905) sans parler de la période qui précède l'époque d'Edo (1600-1868).

"C'est pendant la période d'Edo, écrit Brian Victoria, que [le bouddhisme] est parvenu, tout du moins en apparence, à l'apogée de sa puissance, jouant de facto un rôle de religion d’État.(...) Les temples se sont multipliés, leur nombre passant de 13 307 pendant la période de Kamakura à 46 9934 sous les Tokugawa."

    Pour le régime d'alors le bouddhisme avait pour fonction de contrôler la population (tenue de registre) et d'empêcher l'implantation du christianisme.
"Une grande partie, si ce n'est la majorité des moines ont profité des prérogatives que leur valait leur statut d'agents de l’État pour opprimer ou exploiter les familles rattachées à leur temple."

    Le 3 janvier 1868, le jeune empereur Meiji prit des mesures radicales afin de briser le régime féodal et notamment des mesures contre le bouddhisme. Un courant de pensée (nommé "étude nationale") shinto proche de l'empereur enseignait que l'origine divine de la nation japonaise et de l'empereur avait été pervertie par des éléments extérieurs notamment chinoise comme le bouddhisme.
 "40 000 temples furent fermés"..." 4500 furent détruits. Les moines hébergés par ces temples durent retourner à la vie laïque et ceux qui avaient entre 18 et 45 ans furent  incorporés dans la toute nouvelle armée impériale.(...) Les dirigeants bouddhistes se sont très vite rendu compte que leur meilleur espoir de regagner le terrain perdu consistait à s'aligner sur le nationalisme de plus en plus exacerbé qui régnait à l'époque."
    Il ne leur fallait pas seulement être docile avec le nouveau pouvoir en place, il leur fallait également se montrer zélé et les résultats furent à la hauteur de leurs espérances. A partir de 1872, ils devinrent des instructeurs religieux afin d' exalter le patriotisme, aider la population à vénérer les divinités et à obéir aux autorités. Entre temps de nombreux moines qui étaient retournés à la vie laïque s'étaient mariés. Une ordonnance de 1872 permit donc aux religieux bouddhistes, s'ils le souhaitaient, de manger de la viande, se marier, se laisser pousser les cheveux et porter des vêtements ordinaires. Cette ordonnance fut très mal accueillie par les milieux bouddhistes mais passa quand même.

    Pendant la guerre sino-japonaise pour le contrôle de la Corée (1894-1895), non seulement il n'y a pas eu de mouvement en faveur de la paix de la part des bouddhistes mais les dirigeants justifièrent cette guerre afin "d'éveiller   leurs coreligionnaires chinois et coréens". Malgré la victoire du Japon, celui-ci n'obtient pas tous les territoires qu'il convoitait et son impérialisme se voit contenu par les pays occidentaux, particulièrement la Russie, qui obtient une partie de la Mandchourie du nord. Le Japon décide alors de développer sa machine de guerre et conduit à la guerre russo-japonaise (1904-1905). Dans cette atmosphère, les dirigeants bouddhistes ont jugé nécessaire de continuer de manifester leur soutien à l'armée en montrant que le bouddhisme pouvait être utilisé pour donner du courage aux soldats.

Des longues citations qui datent de 1896 de Daisetz T. Suzuki on retiendra :

"Si un pays sans loi vient entraver notre commerce ou piétiner nos droits, il s'agit là de quelque chose qui risquerait vraiment d'interrompre les progrès de l'humanité tout entière. Au nom de la religion, notre pays ne pourrait se laisser faire. (...) nos soldats considèrent que leur vie est aussi légère qu'une plume d'oie et leur dévouement au devoir aussi lourd que le mont Taishan"

    Josh Baran commente cette phrase ainsi :"Cette métaphore des "plumes d'oie" deviendra l'un des points essentiels de l'endoctrinement militaire qui enseignait aux recrues et aux jeunes pilotes kamikaze ("vent divin") que leur vie individuelle n'avait aucune valeur et pas plus de poids."

    Kôdô Sawaki recut l'ordination de moine zen à l'âge de 16 ans. 3 ans plus tard il fut incorporé dans l'armée impériale de 1900 à 1906. Dans ses "Souvenirs de Sawaki Kôdô, il écrit "Mes camarades et moi nous sommes gorgés de tuerie"

Des citations de Kôdô Sawaki qui datent de 1944 on retiendra :

"Le maître zen Dôgen a dit qu'on doit rejeter le soi. Il a enseigné qu'on doit pratiquer tranquillement en s'oubliant soi-même. Il a exprimé cela en ces mots dans le chapitre "vie et mort" du Shôbôgenzo : "Rejetez simplement le corps et l'esprit et projetez-vous dans le royaume du Bouddha. Le Bouddha vous servira de guide et si vous suivez les conseils qu'il vous donne, vous vous libérerez de la vie et de la mort et deviendrez un Bouddha sans avoir besoin de vous donner du mal physiquement ou mentalement" Formulé différemment, cela veut dire qu'il faut obéir aux ordres de ses supérieurs quel qu'en soit le contenu. Ce faisant vous devenez immédiatement de fidèles serviteurs de l'empereur et de parfaits soldats."
     Il est assez facile de montrer que Dogen pensait exactement le contraire de ce que Kôdô Sawaki tente de lui faire dire. Je ne citerais qu'une phrase :
"Pis encore, nombreux sont ceux qui vieillissent en tant qu’esclaves du pouvoir. Qu'ils sont lamentables" Obtenir la moelle en vénérant [Raihai tokuzui] p164 du Tome 5.
      Brian Victoria souligne la constance des efforts de  Kôdô Sawaki "en vue de se servir du zen pour créer un parfait soldat sans ego"

      Le chapitre le plus intéressant du livre de Brian Victoria concerne Uchiyama Gudô, un moine zen soto qui s'est opposé à la montée de l'impérialisme et à la guerre dans les années 1910. On retiendra cette citation d'Uchiyama Gudô alors qu'il était en prison et qu'il ignorait encore qu'il allait être exécuté:
"Shakyamuni était un religieux qui abandonna son trône pour devenir mendiant. Diogène était un philosophe qui a passé, dit-on, sa vie entière dans un baquet. Ce genre de vie ne les a pas empêché de connaître une joie qu'aucun monarque n'aurait pu leur retirer. Cloué sur la croix, le Christ n'en a pas moins été heureux d'offrir sa vie pour racheter tous les péchés du monde. On peut en déduire que le bonheur appartient à ceux dont les comportements sont conformes à leur propre raison. Cela étant, n'est-on pas en droit de dire que les gens qui agissent en accord avec la raison sont ceux qui se consacrent à faire avancer, ne serait-ce qu'un petit peu, la cause de la répartition équitable du travail entre les hommes et de la satisfaction de leurs besoins en termes de nourriture, de vêtements et d'abri? Celui qui, après avoir agi conformément à la raison, devrait mourir sur l'échafaud, ou subir l'humiliation de la crucifixion, ou finir ses jours glacé jusqu'aux os dans l'enfer souterrain des mers du nord. C'est de ces gens-là qu'on peut dire qu'ils ont trouvé le vrai bonheur dans la vie"
      Si vous voulez en savoir un peu plus il y a une page wiki qui lui est consacré. On notera au passage que la secte soto lui retira son statut sacerdotal de moine en 1910 pour s'être opposé à la guerre et le lui rendra en 1993 sous la pression des historiens et des médias.

     On s’intéressera aussi plus particulièrement au chapitre qui concerne le regard des japonais d'après-guerre sur la philosophie du bouddhisme zen même si il peut sembler un peu abusif de reprocher au bouddhisme zen ce que les bouddhistes en ont fait notamment de l'idée qui est au cœur de ce blog:

Au japon, écrit Brian Victoria, la doctrine de l'éveil originel a pris de plus en plus d'expansion avec le temps, jusqu'à embrasser l'idée que toute chose, animée comme inanimée possède cet éveil originel. D'où la fameuse phrase, qui revient souvent dans la littérature japonaise, "les montagnes et les rivières, les plantes et les arbres, tout atteint à la bouddhéité" (sansen sômoku shikkai jôbutsu). Au premier abord, l'idée semble optimiste, et même démocratique, car l'éveil devient ouvert à tous, par nature et en toute égalité, au-delà des considérations de fortune, de sexe, d'âge, d'éducation ou de nationalité, et il s'étend même aux objets du monde inanimé.

 Deux chercheurs japonais, Hakamaya et Matsumoto ont cherché à montrer que cette idée pouvait avoir un effet pervers :
"S'il existe, disent-ils, une réalité unique et immuable sous-jacente à tous les phénomènes, alors tout, dans le monde phénoménal devient essentiellement égal. Et cela vaut, bien entendu, pour des valeurs morales comme le bien et le mal, le juste et l'injuste, ou des statuts sociaux comme riche et pauvre, fort et faible. Il n'y a donc plus aucun besoin ni aucune raison de combattre l'injustice ou de changer ce qui ne va pas dans le monde. La discrimination et l'injustice en viennent à être considérées comme l'ordre normal des choses. L'altruisme cesse d'être un devoir moral et l'obligation d'aider ceux qui sont dans le besoin disparaît." 
     A cette objection on pourrait répondre que la nature de bouddha n'implique nullement une réalité sous-jacente car elle n'est ni de l'ordre de l'être ni du non-être. Elle n'implique nullement non plus l'idée de statu quo car le rôle du Bodhisattva est précisément d'aider les êtres à réaliser cette nature de bouddha ce qui n'est possible que si les besoins vitaux sont satisfaits. En revanche, si le réel prêche le dharma il est très difficile de dire dans quel sens le réel prêche car la prédication n'est pas clairement intelligible. 

On se souviendra ajoute Brian Victoria que :
"l'idée que tous les êtres possèdent la nature de Bouddha a servi de catalyseur à la lutte de Uschiyama Gudô contre la répression, la discrimination et la guerre, puisque c'est sur elle qu'il a fondé sa conviction que tous les êtres sensibles sont essentiellement égaux sans qu'il n'y ait "ni supérieur ni inférieur" (...) "C'est aussi de la pauvreté rurale que Gudô se préoccupait avant tout dans ses contacts avec les jeunes du villages. La racine du problème résidait selon lui dans l'injustice d'un système social où une poignée d'individu possédait la majeure partie de la terre tandis que le fermage était le lot du plus gros de la population rurale. Gudô en vint à plaider ouvertement pour la réforme agraire, laquelle finirait d'ailleurs par être adoptée, mais bien des années plus tard, après la défaite du japon dans la guerre du Pacifique."
     Bien sûr on pourrait objecter que le cas d'Uschiyama Gudô est un cas isolé et qu'ils n'ont pas été nombreux à se révolter contre la montée en puissance de l'impérialisme japonais. En même temps, ceux qui entendent le réel prêcher le Dharma ne sont pas très nombreux non plus. Après la lecture de ce livre on se méfiera davantage encore, si c'est possible, de la complaisance de certains discours zen à l'égard de la voie du sabre (Bushidô). La voie du sabre n'est pas compatible avec l'éthique indépendamment de toute religion ou absence de religion. Elle est donc à combattre, pacifiquement, évidemment.



Shodoka - Yoka Daishi - commenté par Kôdô Sawaki

La traduction française de ce texte date de 1999 mais je n'ai trouvé aucune date pour le commentaire de Kôdô Sawaki. En cherchant sur internet j'ai trouvé la date de 1940 mais rien n'est moins sûr.

Ce qui est certain en revanche c'est que le zen de Kôdô Sawaki, à l'époque où il a écrit ce commentaire s'accorde encore pleinement avec la Voie du guerrier (Bushidô)

"Yoka Daishi:
La nature réelle de notre ignorance n'est autre que notre nature de bouddha

Commentaire de Kôdô Sawaki
"Les guerriers suivaient un entraînement militaire, mais le bushidô va au-delà de la pratique des armes, c'est un code d'honneur fondé sur la fidélité au liens de parenté et sur le zen. En étudiant ce qu'on appelle "le zen des samouraïs, on s'aperçoit que leur compréhension de la Voie du Bouddha était étonnamment juste et profonde."

Kôdô Sawaki cite alors le Dôkukôdô de Miyamoto Musashi qui date du XVIIéme siècle:
1. Ne va pas à l'encontre des usages de ton temps.
(...)
4. Fais peu de cas de toi-même et grand cas d'autrui.
(...)
6. Ce qui est fait est fait, ne le regrette pas.
 (...)
16 A l'exception de tes armes, ne t'attache à aucune chose en ce monde.
17 Tant que tu pratiques la Voie, ne crains pas la mort.
(...)
19. Vénère les dieux et les bouddhas, mais ne leur demande rien
20. Abandonne ta vie, mais pas ton honneur
21. Ne t'écarte jamais de la Voie du guerrier.
Commentaire de Kôdô Sawaki
 "Le sixième article est amusant: Ce qui est fait est fait, ne le regrette pas." Les guerriers d'autrefois étaient des hommes de bon sens. "

A la bibliothèque du dojo nous avons Le Traité des cinq roues de Miyamoto Musashi. Je l'ai parcouru hier soir juste avant zazen et je suis tombé sur une phrase qui disait qu'il n'y avait pas 36 manières d'abattre son adversaire que celui-ci soit un expert des armes ou un débutant, une femme ou un enfant. J'ai eu une réaction épidermique en lisant cette phrase.

La question qui se pose c'est de savoir dans quelle mesure Kôdô Sawaki a regretté sa participation à la guerre russo-japonaise dans laquelle il a fait un grand nombre de victimes.

Dans les notes que  Kodo Sawaki a transmis à Deshimaru on peut lire :
« Pendant ma jeunesse, dit Kodo Sawaki, j'ai dû affronter les contradictions les plus pénibles. Je n'arrivais pas à comprendre le monde, tellement j'étais envahi de doutes. Dans le Bouddhisme, et pas seulement dans le Bouddhisme, mais aussi selon la loi nationale de tout pays, lorsqu'une personne tue une autre personne, elle commet le pire des crimes. Elle est emprisonnée et condamnée. Alors que, au contraire, pendant la guerre, tuer d'autres personnes est le plus grand honneur. C'est totalement contradictoire, et à cela je ne comprenais rien. Or, depuis les temps préhistoriques, l'homme a perpétué cette action. Je pensais qu'il s'agissait de problèmes concernant les groupes, les nations. Mais il n'en est pas moins vrai que tuer est le pire des crimes. Tout spécialement dans le Bouddhisme où il est écrit: « Ne tuez aucun être sensible, aucun être vivant ».

Peut-on considérer ces notes comme une forme de regret, comme un aveu d'erreurs qu'il aurait commises dans sa jeunesse? Difficile à dire.

Certains passages du commentaire du Shodoka par Kodo Sawaki me semblent accablant:
Après avoir vengé son seigneur d'un affront, Oishi Yoshio se retira au temple Sengaku-ji et déclara : « Quoi qu'il en soit, jamais l'ombre d'un doute n'a assombri ma pureté d’intention. » La situation ne comportait qu’une seule issue, hara kiri. En sachant qu'il devait mourir, il a fait ce qu'il devait faire en toute conscience, et d'une seule pensée, sans se demander quel bénéfice il allait en tirer ou ce qu'il allait devenir. Ceux dont l'esprit est plein de contradictions vivent dans l'angoisse. A l'inverse, lorsque la pensée est unifiée, tout devient simple. L'important, c'est l'unité. Lorsque la vie disparaît, c'est la seule chose qui reste. C'est pourquoi il faut être très vigilant. Ceux qui ne trouvent pas cette unité sont à plaindre. (...) Quand on prend du recul pour juger des actions humaines, on ne sait plus où est le bien et où est le mal. Mais grâce au pouvoir de maka hannya on sait que n'importe où, et quelles que soient les difficultés que l'on rencontre, le bien existe dans le mal"
Autrement dit, a partir du moment où vous avez lâché votre ego (et votre raison) et que votre esprit est vide vous pouvez commettre les pires crimes en toute bonne conscience. "Le 13 décembre 1937, quelques mois après le début du conflit qu'ils imposent aux Chinois, les Japonais s'emparent de Nankin, alors capitale de la Chine. Ils assassinèrent, violèrent et torturèrent près de 350.000 civils chinois. Presque 80.000 femmes furent violées et mutilées." http://www.zen-occidental.net/articles1/baran1.html.

"Yoka Daishi: Quand on constate la réalité des choses, il n'y a plus ni homme ni Loi
Commentaire de Kôdô Sawaki
"Découvrir la nature vraie de la réalité, c'est embrasser d'un seul regard le panorama de l'univers. Quand on a cette vision, on a compris l'enseignement du Bouddha. (...) Il est écrit "En coupant les liens du karma, on trouve l'apaisement en toutes choses. On ne pense plus en termes de bien ou de mal, on ne distingue plus le vrai du faux" Bref on a une vision totale et immédiate du réel"

C'est à se demander si  Kôdô Sawaki n'utilise pas Mujo Seppo, la prédication de loi faites par l'inanimé, pour justifier la politique du pire. Le réel est ce qu'il est, s'il est terrible et nous pousse à la guerre, pourquoi lutter contre? Seulement, si on a une vision d'ensemble et que notre regard embrasse le panorama de l'univers nous n'avons plus aucune raison de faire la guerre. Si le réel prêche la loi, ce ne peut être que pour nous inciter à donner le meilleur de nous-même et soulager la souffrance de tous les êtres, s'ils sont consentants, évidemment. En tous cas, Mujo Seppo, c'est comme ça que je l'entends.

Shodoka - Yoka Daishi - Traduit et commenté par Taisen Deshimaru

"Le Shodoka, ou "Chant de l’immédiat satori", est l’un des textes essentiels du Zen. Composé de 78 poèmes, il a été écrit au VIIIe siècle par le maître chinois Yoka Daishi." disciple de Houeï Neng. Le commentaire de Deshimaru date de 1978.

Ce qui m'intéresse c'est ce qui sépare le commentaire de Deshimaru de celui de Kodo Sawaki même si l'un s'inscrit dans la continuation de l'autre. Dans son commentaire, Deshimaru reprend souvent mot pour mot ce que dit Kodo Sawaki mais il ne reprend pas la totalité des propos de celui-ci. Les silences de Deshimaru, je l'espère, en disent long.



"Yoka Daishi:
Cher ami, ne vois-tu pas cet homme du satori qui a cessé d'étudier et vit sans effort?

Commentaire de Taisen Deshimaru:
L'homme qui a cessé d'étudier (et ne cherche plus rien) (...) a abandonné son propre ego et suit de façon absolue le véritable système cosmique."

Puisque le réel prêche le dharma, il suffit d'y être attentif pour s'harmoniser avec l'ordre cosmique et s'y abandonner.

 "Yoka Daishi:
La vraie nature de notre ignorance est la nature de Bouddha (...)

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Parfois, nous sommes bons, parfois mauvais : notre corps fait zazen ou bien prend trop d'alcool ou de drogue... Il faut savoir embrasser les contradictions. (...) Ku, l'existence sans noumène, signifie le fait de s'harmoniser avec la vie. (...) Notre corps d'illusions est éphémère, celui du Bouddha éternel, mais le maintenant et l'ici, l'éphémère et l'éternel ne sont ni séparés ni en dualité. Le moment présent devient éternité... Notre corps lui-même est le cosmos... Notre corps devient Bouddha ou Dieu par zazen. (...) Ne pensez pas avec votre cerveau et votre conscience, mais avec votre corps tout entier."

Zazen permet d'unifier le corps et l'esprit et d'embrasser les contradictions.
"Yoka Daishi:
Les nuages flottants des cinq skandhas vont et viennent dans le ciel, l'écume des trois poisons apparait et disparait sur l'océan

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Qu'est-ce que la vie cosmique, le système cosmique? C'est la vie : le mouvement des astres, de la terre, des montagnes, des rivières, des océans, des arbres, des plantes, le mouvement continuel. (...) les hommes ont tendance à penser qu'eux seuls bénéficient de la vie. Ils oublient facilement les animaux, les plantes et la nature qui les entourent. Pourtant nous devons respecter cette vie cosmique. Nous en faisons partie. Nous vivons en interdépendance avec elle.
S'harmoniser avec l'ordre cosmique, c'est s'harmoniser avec la nature (plantes incluses)


"Yoka Daishi: 
Si nous comprenons la réalité, pour nous n'existe plus ni l'homme ni la loi

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Pendant Zazen, nous abandonnons l'ego, ainsi que nos distinctions du bien et du mal."
 S'harmoniser avec l'ordre cosmique, c'est être par delà le bien et le mal.
 
"Yoka Daishi: 
Si vous réalisez subitement, dans l'instant, le zen du Bouddha, les six paramitas et les dix mille pratiques se réalisent dans votre corps

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Le zen qui se contente d'étudier successivement les différents aspects de l'enseignement du Bouddha ne peut conduire à cette compréhension immédiate et intuitive, ici et maintenant. Pratiquer zazen ici et maintenant, c'est pratiquer le véritable enseignement du Bouddha.

On retrouve ici la polémique entre l'approche subite (école du sud) à laquelle Deshimaru associe zazen et l'approche graduelle (école du Nord) qui "étudie plus particulièrement les sutras et les préceptes". On s’interrogera au passage à la question de savoir pourquoi le zen qui est d'habitude si prompt à embrasser les contradictions privilégie ici l'approche subite.  Il est quand même curieux de lire dans un livre :" Cette étude ne se fait pas à travers des livres, ce qui serait dangereux et laisserait place à de nombreuses erreurs, mais par la pratique du corps et la transmission directe "de mon âme à ton âme" du Maître au disciple. La question qui se pose alors c'est de savoir s'il y a une discussion possible entre le maître et le disciple. L'étude des livres permet de les faire dialoguer entre eux. Il n'est pas certain qu'ils disent tous la même chose. Il est même probable qu'ils contiennent eux-mêmes des erreurs, c'est pourquoi ils sont potentiellement dangereux. Néanmoins, il est vrai aussi que quand on s'éveille il n'est plus besoin de chercher dans les livres, il suffit de suivre l'ordre cosmique. On ne fera jamais que retrouver dans les livres ce que l'on a déjà compris par une expérience directe.

 "Yoka Daishi: 
Qui est non-pensée (munen)? Qui est non-né (musho)? Si le non-né existe réellement il ne peut naître non plus.

Commentaire de Taisen Deshimaru:
S'il n'y a pas d'illusion, alors plus besoin de satori. Chacun a ses propres opinions, chacun porte des verres de couleur différente. Peu sont sans lunettes. Aussi vous ne devez pas vous adresser aux autres
Ah bon d'accord, ok je vais arrêter d'aller sur des forums poser des questions alors.

"Yoka Daishi: 
L'homme vrai saisit l'épée de la Sagesse. Pointe acérée de la sagesse flamme aussi puissante que le diamant

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Couper son Karma, aller au-delà, grâce à l'épée de la Sagesse, se couper soi-même. La posture de zazen, dans toute sa puissance, est l'épée de la sagesse, la meilleure épée, acérée comme le katana des samouraïs. Elle ne sert pas à tuer les hommes mais soi-même, ses illusions, son karma" (...) Mourir d'amour ou mourir à la guerre pour un idéal, se dévouer à la mort comme un samouraï est plus facile que vivre. Vivre réellement reste l'acte le plus difficile
Même si la critique est ténue, il me semble que le zen de Deshimaru ne s'apparente pas à la voie du guerrier (bushido)


Soûtra du Diamant

Ce volume regroupe donc trois soûtras du Mahâyâna qui ont pour thème central la vacuité : Le Soûtra du Diamant, le Soûtra du Cœur de la connaissance transcendante et le Soûtra de la Pousse de riz (Shâlistamba-sûtra)

Soûtra du Diamant

Il s'agit d'un soûtra important car il a pour fonction de trancher les illusions à la racine. Le diamant est à la fois précieux, brillant et tranchant. C'est en entendant la phrase "ne  s'attacher  à  rien  qui  puisse  faire  naître  le  mental" que le sixième patriarche chinois Huì  Néng et  le  roi  viêtnamien Trần Thái Tông atteignirent tous les deux subitement l'éveil.

I
"Ainsi ai-je entendu : en ce temps-là, le Bienheureux séjournait à Shrâvastî..."  Il partit très tôt le matin mendier, déjeuna et "s'assit les jambes croisés, le corps bien droit et l'esprit parfaitement contrôlé. De nombreux moines s'approchèrent..."  
III
"Subhûti, ainsi pensera celui qui est entré dans le véhicule des bodhisattvas : il y a tellement d'êtres en ce monde qui méritent le qualificatif d'être animés : ceux qui naissent d'un oeuf, ceux qui naissent d'une matrice, ceux qui naissent de l'humidité et de la chaleur, ceux qui naissent miraculeusement, ceux qui sont pourvus d'une forme et ceux qui n'en ont pas, ceux qui ont des représentations mentales et ceux qui n'en ont pas, et enfin ceux chez qui l'on ne trouve ni présence ni absence de représentations mentales. Tous ces êtres qui peuplent les domaines de l'univers et que l'on nomme "être animés", tous, sans exception, quel que soit leur nombre, je les guide à présent vers le nirvâna pour qu'ils accèdent à la dimension de l'au-delà de la souffrance. Et cependant, bien que d'innombrables êtres passent ainsi complètement au delà de la souffrance, le bodhisattva pensera qu'aucun être animé ne s'est affranchi de la souffrance"(...)"S'il concevait l'idée d'un être animé, de la vie ou d'un individu, il ne mériterait plus le nom de bodhisattva."

Le bodhisattva soulage la souffrance des êtres animés (humains, animaux, plantes et autres) sans s'attacher à l'idée d'individu substantiel. 

VI
"En ces bodhisattvas grands êtres, Subhûti, il n'y a pas de place pour le concept de réalité ni pour le concept d'irréalité" sinon "il se produirait alors en eux la croyance au moi, la croyance aux êtres animés, la croyance à la vie, la croyance à l'individu"(...)" Ceux qui savent que les nombreuses réalités du Dharma sont comparables à un radeau se détachent de l'idée même de ces réalités et à plus forte raison de l'idée que ces réalités sont irréelles"
 VII
"Cette réalité du Tathâgata et cet enseignement ne sont pas des objets saisissables : indicibles, ce ne sont ni des réalités ni des irréalités, parce qu'on reconnait les êtres sublimes à l'inconditionné"
XXI
"Le Bien heureux demanda:
Dis-moi Subhûti, Le Tathâgata pense-t-il qu'il a enseigné le Dharma?
-Non Bienheureux, il ne voit pas les choses ainsi car le Tathâgata n'a jamais enseigné aucun Dharma.
-Subhûti, poursuivit le Bienheureux, celui qui prétendrait que "le Thathâgata a enseigné le Dharma" parlerait faux : il me discréditerait en se fixant à tort sur ce qui n'est pas. Pourquoi cela? Parce que, Subhûti, on dit bien "enseignement du Dharma, mais il n'est rien qui se puisse concevoir de réel dans l'expression "enseignement du Dharma"


Ryôkan - Moine errant et poète


Je marche le long d'un cours d'eau
cherchant sa source
J'arrive là où la source semble commencer,
perplexe,
réalisant qu'on n'atteint jamais la source
véritable
appuyé à ma canne, partout autour
le murmure de l'eau

Gérard Pilet - Suivre la voie du Bodhisattva

      "L'Avatamsaka Sûtra consacre un chapitre à la pratique de Samantabhadra, le bodhisattva de la bonté universelle. Il est assis face à Shakyamuni et entre dans un samadhi appelé "concentration du corps immanent". Ce samadhi, c'est la réalisation que tous les phénomènes et toutes les existences sont le corps immanent du Tathâgata, la montagne aussi, l'océan aussi, un tel ou un tel aussi. Chaque existence est le corps immanent de tous les bouddhas. Chacune des existences est le corps immanent de tous les bouddhas, chaque existence est aussi notre corps immanent puisqu'on est tous bouddha. Chacune des existences proclame le Dharma, proclame l'unité, proclame le Tout. En nous ouvrant toujours plus à la réalité de l'interdépendance, nos oreilles s'ouvrent au sermon sans paroles qui proclame haut et fort que l'un est dans le multiple et le multiple dans l'un. Rien n'est séparé de rien" Suivre la voie du Bodhisattva p 74-75.
Comprendre que nous ne sommes pas des existants séparés des autres existants (humains, animaux, plantes et minéraux) que nous avons tous la nature de bouddha permet d'ouvrir notre cœur à la bonté universelle et d'entendre le réel prêcher le dharma.

"Universelle est dite la compassion du bodhisattva accompli parce qu'elle s'adresse à toutes les existences, qu'elles soient humaines, animales ou végétales. C'est qu'en effet la vision juste fait éclater les distinctions courantes entre personnes et non-personnes, mammifères et non-mammifères, êtres animés et êtres inanimés, ouvrant la porte à une compassion véritablement universelle." (...) "C'est ce que fit Bouddha sa vie durant, comme l'exprime on ne peut plus clairement Hans Wolfgang Schumann dans l'excellente biographie qu'il lui consacre : "Le Bouddha, dit-il, avait de la compassion en abondance et la dirigeait vers toutes les sphères du monde vivant. (...) Il abhorrait le sacrifice des animaux et avait même de la compassion pour les plantes lorsqu'il rejetait la destruction et le dommage causés au graines et aux plantes" A son disciple Subhuti qui lui demande comment le bodhisattva peut parfaire l'esprit d'éveil, Bouddha répond qu'il doit avoir l'aspiration à "conduire tous les êtres vivants à l'ultime nirvâna afin qu'ils soient libérés..." p 77-78

C'est l'évidence même me direz-vous. Il suffit de faire un petit tour sur un forum bouddhiste pour constater que ce n'est pas une évidence pour tout le monde.

 Extraits d'une conversation sur un forum :

 D. A. a écrit :
 les plantes n'ont pas plus d'esprit qu'un radiateur électrique.

Sb a écrit :
Serait-ce des automates à la descartes?

D. A. a écrit :
Parce que le Bouddhisme affirme que les plantes ont un esprit, à présent ? Les plantes sont munies de capteurs photoélectriques ou autres qui activent certaines de leurs fonctions à l'instar des automates tels que des robots ou des radiateurs (même si le "pilote" n'est pas nécessairement un capteur photoélectrique).

Sb a écrit :
Un mot ne veut rien dire en dehors d'un contexte qui lui donne son sens. Dans le bouddhisme sino-japonais la réponse est oui mais quel est le mot japonais que traduit le mot esprit ? Le mot "Shin" exemple : Shin fukatoku (心不可得), "L'esprit est insaisissable". Le plus souvent Y. Orimo préfère traduire Shin par "cœur" pour éviter la confusion avec l'esprit du spirite ou de l'animiste qui pense que la plante a une âme qui l'anime. Dans le contexte bouddhiste l'esprit n'est ni la conscience ni le cerveau ni l'âme ni la psyché mais le cœur des choses qui est insaisissable parce qu'il n'est ni de l'ordre de l'être ni du non-être.

Le premier vœu du Bodhisattva est « Aussi nombreux que soient tous les êtres sensibles, je fais le vœu de les libérer tous ou de les sauver tous" De quel êtres sensibles parle-t-on? Quel est le mot japonais pour être? Shô : naître/la naissance que l'on retrouve dans busshô (la nature de l'Eveillé). Tout ce qui nait a la nature de l'éveillé mais celle-ci est insaisissable comme c'est le cas dans les plantes et chez les animaux mais pas nécessairement chez les humains qui seuls sont capable de saisir leur propre nature. Néanmoins le Bodhisattva doit s'occuper avec bienveillance de libérer tous ces êtres et cela inclut les plantes et les animaux même s'ils ne peuvent saisir leur propre nature.

D. A. a écrit :
Si c'est le mot "esprit" qui pose problème, prend le sens de mental car le mental fait directement référence aux perceptions et aux pensées. Or, rien n'indique que les plantes soient pourvues d'un mental car il faut un support matériel pour cela : des neurones. Si les plantes ont des capacités d'êtres vivants, possédants des liaisons synaptiques pour hormones, elles ne sont pas capables de ressentir de la souffrance et a fortiori de l'exprimer. En d'autres termes, elles ne font pas partie des êtres prisonniers du samsara susceptibles d'être sauvées par un quelconque bodhisattva. Les êtres sensibles sont ceux qui sont susceptibles d'éprouver de la souffrance, qu'ils l'expriment ou non. Les plantes, jusqu'à preuve du contraire (et on éliminera l'anthropomorphisme), ne souffrent pas. Elles croissent et peuvent mourir, mais c'est le lot de tout les dharmas composés ; elles ne sont pas des êtres sensibles et ne produisent pas de karma.
(...)
Je n'ai pas dit — ou alors je me suis mal exprimé — que les plantes (ou les fleurs) n'ont rien à voir avec le Dharma (pour preuve : la fleur de Kashyapa ou le cyprès dans la cour qui sont l'expression du Sambhogakaya) mais que les fleurs n'ont pas de conscience ou d'esprit ou de mental et n'ont donc pas la nature de Bouddha (au sens où elles seraient susceptibles de s'éveiller et donc sortir du samsara).
(...)
La compassion du Bodhisattva, en terme d'action dans le monde, ce n'est ni la charité ni aucune des nobles actions christiques ; c'est l'enseignement du Dharma jusqu'à la libération de tous les êtres sensibles (non comprises les plantes qui n'en ont pas besoin).

S.Z a écrit :
Pour répondre au titre de ce fil : "Selon le bouddhisme, les plantes ont-elles un esprit ?", la réponse est clairement non. Dans la mesure où il n'y a pas esprit, il n'y a pas de sentiments et donc pas de souffrance.

Sb a écrit :
J'ai dit que même si les plantes communiquent entre-elles, elles ne sont pas conscientes. Elles n'ont ni système nerveux ni cerveau ni esprit (au sens mental du terme). Elles un cœur au sens que lui donne Dogen et le bouddhisme sino-japonais. Comme je l'ai expliqué Dogen nous demande de réfléchir sur la frontière (ou l'absence de frontière) entre l'être animé et l'être inanimé. C'est un koan. Si l'on dit que la plante souffre on pêche par anthropomorphisme parce qu'on s'imagine à tort que la plante souffre comme un être humain. Si l'on dit que la plante ne souffre pas on pêche également par anthropomorphisme parce qu'on imagine qu'il n'y a de souffrance qu'humaine. Pendant trop longtemps, dans le monde occidental, on a imaginé que l'animal ne souffrait pas. Réfléchissez-y.

Kaïkan a écrit :
Dans le Bouddhisme les mots : "tous les êtres sensibles" désignent tout ce qui possède une conscience sensitive, car les consciences sensitives elles-mêmes sont les êtres sensibles. (En Skt. citta ; shin ou kokoro en jap: est souvent traduit simplement par "esprit", mais cela inclus les émotions et sensations). Ceux qui manquent de conscience sensitive, cependant, sont aussi des êtres sensibles, car les êtres sensibles eux-mêmes sont des consciences sensitives. Par conséquent, autant les choses qui possèdent une conscience sensitive que celles qui n'en possèdent pas sont des êtres sensibles. C'est (pour cette raison) que tous les êtres sensibles ont la nature-de-Bouddha. De la même façon, l'herbe, les arbres et la terre sont des consciences sensitives et donc des êtres sensibles. Comme êtres sensibles, eux aussi ont la nature-de-Bouddha. Non seulement ceux-ci, mais le soleil, la lune et les étoiles sont aussi des consciences sensitives et donc sont des êtres sensibles. Comme êtres sensibles, ils ont aussi la nature-de-Bouddha. C'est donc bien ce que le Maître National Ch'i an signifiait quand il disait : « (Tous les êtres sensibles) ont la nature-de-Bouddha. » http://www.portedumoinezen.com/page5.html

Le Maître Sotoba a parlé de mujo seppo, l’enseignement des êtres inanimés qui expriment le dharma, son maître disait même « proclament » la vérité. "Mujo Seppo", traite avec l'idée dans le bouddhisme que Mujo (êtres non sensibles, comme les montagnes, les herbes et les arbres) sont capables de prêcher (seppo). Cette idée peut être issue logiquement de la pensée [du Keisei-Sanshoku] que : "84.000 hymnes de prières proviennent des vallées et des montagnes". Toutefois, si mujo peut prêcher, comment pouvons-nous l’entendre ? Probablement nous ne le pouvons pas.A cette question la réponse de Dõgen :
"Si vous n'êtes pas disposé à entendre, même les voix les plus fortes ne pourraient pas atteindre vos oreilles;
Si vous êtes prêt à écouter, même les voix silencieuses pourraient atteindre vos oreilles»
En effet ceux qui ne sont pas disposés à écouter ou n'ont pas de facultés spirituelles suffisantes seraient sourds à toute honnête prédication.D'autre part, ceux qui sont prêts à écouter et sont dans l’état correct d'entendre, comprendront même les implications des préceptes. Dans certains cas, ils entendent des mots "non-dits" «prononcés» par les simples expressions de l'orateur. Il est, après tout, pas de différence à entendre entre les préceptes du (Bouddha Historique) en tant qu’être vivant, et ceux des vallées et des montagnes en tant qu’êtres inanimés, tant qu'ils atteignent l'oreille.


--------- extrait d'une autre conversation avec un ami moine zen --------------

Sb a écrit :
Le premier vœu du Bodhisattva est « Aussi nombreux que soient tous les êtres sensibles, je fais le vœu de les libérer tous ou de les sauver tous" Est-ce que cela concerne aussi les plantes?
Les plantes sont-elles considérés comme des êtres sensibles qui sont susceptibles de souffrir?


Réponse :
Oui les plantes font partie  des êtres sensibles dans les enseignements bouddhistes, mais je ne crois pas que nous ayons besoin de les sauver.  C'est plutôt elles qui nous enseignent et nous sauvent.
Il y a souffrance quand il y a une fausse identité  (un moi) qui prétend s'approprier le contrôle et la propriété des choses, objets, sensations,  pensées,  émotions.  Je ne crois pas que les plantes font cela. Elles Sont.
Elles peuvent être source de souffrance pour les êtres  par le fait qu'ils les croient réelles alors qu'elles ne sont que des choses apparaissant et disparaissant.
Certaines études dont j'ai entendu parler constatent une réaction des plantes lorsqu'on les coupe ou les arrache. S'agit-il de souffrance ou de douleur ? ? Et surement pas dans le sens où les humains l'entendent !

Tout est nature de Bouddha ou ''Tout est Conscience''. 
A partir de cette réalisation il n'y a plus de dualité entre toi et tout ce qui vient à la Conscience puisque tu n'es pas différent de Cela (Conscience qui regarde). 

Tout apparaissant dans la Conscience que tu Es et y disparaissant, il n'y a aucune autre manière de voir les choses que comme un miracle insaisissable, une fantasmagorie extraordinaire où l'esprit qui discrimine sur la souffrance des plantes n'est lui aussi qu'une apparition, un reflet fugitif dans le Miroir.

------------- fin de la conversation -----------------------------------

Mondo online
Question : « Les plantes souffrent-elles? »
Le premier vœu du Bodhisattva est « Aussi nombreux que soient tous les êtres sensibles, je fais le vœu de les libérer tous ou de les sauver tous"
Est-ce que cela concerne aussi les plantes? Les plantes sont-elles considérés comme des êtres sensibles qui sont susceptibles de souffrir? La sensation est-elle déjà dukkha?
Gassho.

Réponse de Maitre Kosen

La sensation de souffrance existe, bien entendu.
Bouddha la mentionne parmi les phénomènes dont il faudrait s’affranchir.
Elle est cependant relative à des facteurs qui peuvent être d’ordre émotionnels, psychologiques ou culturels. En effet, à la même intensité de stimulation douloureuse, plusieurs personnes réagiront avec une amplitude différente.

On pourrait aussi voir la souffrance comme une adaptation neuronale indispensable à notre survie.
Imaginez qu’on ne ressente plus aucune douleur ! On se blesserait ou on se briserait les os sans même s’en apercevoir.
Alors qu’entend t on par souffrance ?
Qu’elle est la souffrance d’une plante ou celle d’une planète ?

Je pense pour ma part que tout procède dans la nature par cycles de transformation qui contiennent en eux-mêmes une souffrance ordinaire,
une souffrance normale. Je pense aux douleurs musculaires des ados ou aux poussées de fièvre dues à la croissance chez les enfants ou bien aux douleurs des femmes qui accouchent. On pourrait imaginer que lorsque le cycle naturel est respecté, la douleur n’est pas révoltante. Par contre, lorsque le cycle est anormalement brisé ou perturbé alors la douleur est intolérable et barbare.
Pour ce qui est du hurlement insupportable d’une salade que l’on égorge… çà n’est pas ce qui me révolte le plus en ce moment. On rigole, mais des scientifiques ont déjà enregistré le stress d’une plante qui est bel et bien réel et c’est une expérience qui n’est plus à démontrer.
Plus nous évoluerons, plus nous prendrons en compte, avec empathie, toute forme de vie comme reliée à nous-mêmes et nous la traiterons avec douceur amour et patience. Je n’ai pas oublié la leçon de don juan à son élève quand il lui apprend à parler à une plante et à s’excuser auprès d’elle avant de la cueillir.

http://www.zen-deshimaru.com/fr/mondo/les-plantes-souffrent-elles