Suite à mon passage sur un forum sceptique québécois, j'ai décidé d’élargir le champ de ce blog à un peu plus de science. On ne peut pas s'éveiller sans tenir compte de la science mais il n'est pas question de se laisser conter par elle.
Lionel Naccache est neurologue, chercheur en neurosciences cognitives et membre du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Le titre du livre "Perdons-nous connaissance?" est un peu étrange. J'avoue que j'espérais trouver des informations sur un sujet qui me passionne qu'on appelle le malaise vagal car il m'arrive souvent de perdre connaissance (ce qui m'amuse beaucoup même si ça exaspère les médecins). Ce n'est pas le sujet du livre. La question est plutôt : Dans une société qui se prétend société de la connaissance, n'avons-nous pas perdu le sens de ce qu'est la connaissance? Si nous l'avons perdu c'est qu'à une époque antérieure nous savions ce qu'était la connaissance. C'est la raison pour laquelle il est sous-titré : De la mythologie à la neurologie.
La thèse que défend le livre est simplement que la science n'est pas qu'une affaire de spécialiste, c'est l'affaire de tous. Cependant la connaissance n'est jamais neutre, elle est potentiellement dangereuse soit pour le chercheur s'il est en décalage avec la société dans laquelle il vit soit pour la société elle-même si elle ne relativise pas ce qu'apporte cette connaissance d'un point de vue éthique.
Je passe sous silence les parties consacrées aux grecs, Icare, le mythe de la caverne chez Platon, au christianisme et à Faust. En revanche je retiendrais la partie qui concerne le judaïsme. Je ne suis pas personnellement d'origine juive. Cependant, pour des raisons que j'ignore, tout ce qui touche au judaïsme me passionne. Ce blog étant un blog personnel, veuillez m'excuser si je change de sujet, du moins en apparence.
"Le traité Haguiga du Talmud de Babylone rapporte l'édifiante et tragique histoire de quatre figures rabbiniques majeures ayant réussi l'exploit de pénétrer à l'intérieur de ce pardès, paradis de la connaissance" (...) Cet épisode débute ainsi (Haguiga, page 14b) :"Nos Sages ont enseigné : quatre homme sont entrés au Pardès : Ben Azaï, Ben Zoma, A'her et Rabbi Akiva" Quelques lignes plus tard, le destin de ces hommes d'exception est scellé. Ben Azaî est mort sur place, abattu par ce qu'il contemplait. Ben Zoma a perdu à tout jamais ses esprits et A'her a sombré dans l'hérésie. Seul le quatrième de ces maîtres, Rabbi Akiva, revient plein d'usage et raison de cette aventure, ainsi que le rapporte la suite du texte : "Rabbi Akiva entra en paix et sortit en paix"
Il est bien tentant de faire un parallèle avec le bouddhisme, ce que ne fait jamais l'auteur. Le Dharma désigne la réalité telle quelle est mais aussi l'enseignement de Bouddha Sakyamuni. La tradition rapporte que certains disciples seraient mort d’effroi à l'écoute de cet enseignement. Tout le monde sait qu'il ne peut y avoir d'éveil sans éveil de la kundalini (libido ou noradrénaline, comme vous voulez) mais que la kundalini peut mener directement à la folie. L'hérésie n'a pas grand sens dans le bouddhisme. Cependant on peut s'interroger sur la question de savoir si ce n'est pas sa folle sagesse qui a poussé Chögyam Trungpa a briser ses vœux monastiques sans pour autant rompre avec le bouddhisme. Chögyam Trungpa est souvent considéré comme un hérétique par une partie des bouddhistes.
Évidemment c'est le cas de Rabbi Akiva qui est le plus intéressant car c'est le seul à s'être véritablement éveillé. Je me permets de renvoyer au livre pour la totalité de l'histoire. C'est la chute que je trouve la plus édifiante. Un changement politique survient lié à l'avènement d'Hadrien, empereur romain. Celui-ci fait arrêter Rabbi Akiva et le fait supplicier pour avoir continué son enseignement de la Torah alors prohibé.
Il y a un autre passage que je trouve passionnant. Il concerne plus directement les neurosciences puisqu'il s'agit du syndrome de Capgras.
La deuxième c'est qu'on pourrait se demander ce qui se passerait si, inversement on avait la sensation de familiarité avec une personne mais pas les informations d'identité. Pour ma part je ne suis pas très physionomiste mais je suis très attentif à ces phénomènes de reconnaissances de familiarité. Or cela m'arrive souvent avec des gens qui me sont inconnus. Le délire interprétatif qui se met alors en place est rigolo puisqu' alors je m'imagine qu'il s'agit d'une personne rencontrée dans une précédente vie. Comme, à ma connaissance je n'ai pas de lésion au cerveau, rien ne vient invalider un tel scénario. Pourquoi n'aurions nous pas un sentiment de familiarité avec des personnes déjà rencontrés dans une vie antérieure mais avec un corps différent. Ce scénario, aussi farfelu soit-il, semble d'autant plus vraisemblable que ce sentiment de familiarité est souvent partagé par l'autre personne comme s'il s'agissait d'un phénomène de reconnaissance mutuelle.
"A ses amis qui lui recommandaient de songer à se protéger, et de suspendre l'enseignement de ses connaissances à la jeunesse de Jerusalem, Akiva répondait par une parabole :J'aime beaucoup cette parabole car elle correspond bien à l'idée d'intégrité qui me tient à cœur.
"Un renard, voyant un poisson se débattre pour échapper aux filets des pêcheurs, lui dit: "Poisson, mon amis, ne viendrais-tu pas vivre avec moi sur la terre ferme?" Le poisson lui répond: " Renard, on te dit le plus sage, mais tu es le plus sot des animaux. Si vivre dans l'eau qui est mon élément m'est difficile, que crois-tu qu'il en serait sur la terre?" Ce que l'eau est au poisson, la Torah l'est à Akiva. Rien moins! Renoncer à une eau dangereuse n'est jamais une solution pour celui qui ne peut de toutes les façons pas se passer d'eau pour vivre. (...) A l'allégorie platonicienne de la caverne, qui représente la violence du groupe social à l'encontre de celui ou de ceux qui répandent leur connaissance (...) répond le destin tragique de Rabbi Akiva..."
Il y a un autre passage que je trouve passionnant. Il concerne plus directement les neurosciences puisqu'il s'agit du syndrome de Capgras.
"Lorsque nous percevons le visage d'un être familier, un réseau de régions corticales représente l'identité du visage perçu, tandis qu'un autre réseau en extrait les informations de familiarité"(...)"qui éveillent en moi une sensation d'intimité et de reconnaissance immédiate de notre lien affectif et existentiel.(...) Certains malades perdent cette communication harmonieuse entre ces deux réseaux cérébraux spécialisés.(...) les informations d'identité sont correctement transmises, tandis que les informations de familiarité ne leur sont pas associées de manière parfaite (Histein et Ramachandran, 1997). Autrement dit un patient souffrant de cette affection se retrouve avec le curieuse impression consciente de percevoir sa femme, sans faire simultanément l’expérience du ressenti de familiarité qui devrait accompagner cette perception. (...) Il va imaginer et croire avec conviction puissante que la personne qui lui fait face (...) est un sosie, un imposteur qui a emprunté l'apparence physique de sa femme. (...) J'ai également en tête l'incroyable histoire, rapportée par un confrère, d'une femme de malade qui était en proie à un dilemme conjugal complexe : son mari, victime d'un syndrome de Capgras l'identifiait comme une sosie, c'est à dire comme une femme qui n'était pas la sienne malgré les apparences, et ne cessait de lui faire des avances sexuelles explicites. Autrement dit, ce malade cherchait à tromper sa femme avec elle-même! Que devait-elle faire, accepter les avances infidèle de son mari, ou refuser d'être la maîtresse de son propre époux?"Dans la note en bas de page, L. Naccache entre davantage dans les détails neurologiques de cette maladie:
"Selon un modèle assez réaliste, il existerait une asymétrie fonctionnelle entre certaines régions préfrontales droites et leur homologues gauches. Ces dernières joueraient un rôle de générateur de scénarios explicatifs de la causalité du monde et de nous-même, tandis que les régions droites auraient un rôle d'évaluation de la plausibilité de ces hypothétiques constructions interprétatives. Une autre lésion dans le cortex préfrontal droit aurait pour conséquence de ne pas invalider certains scénarios loufoques produits par le cortex préfrontal gauche afin de donner sens à cette situation très inhabituelle. Ainsi naîtrait le délire du sosie!" Signer S. F. (1994) Localization and lateralization in the delusion of substitution...."Il y a deux choses que je trouve intéressantes. La première c'est que dans un fonctionnement normal, il y a un dialogue permanent dans notre cerveau entre une zone qui produit des hypothèses hasardeuses et délirantes et une autre zone plus raisonnable qui vient valider ou invalider ces hypothèses sans pour autant en conclure à une forme de schizophrénie. C'est plutôt rassurant.
La deuxième c'est qu'on pourrait se demander ce qui se passerait si, inversement on avait la sensation de familiarité avec une personne mais pas les informations d'identité. Pour ma part je ne suis pas très physionomiste mais je suis très attentif à ces phénomènes de reconnaissances de familiarité. Or cela m'arrive souvent avec des gens qui me sont inconnus. Le délire interprétatif qui se met alors en place est rigolo puisqu' alors je m'imagine qu'il s'agit d'une personne rencontrée dans une précédente vie. Comme, à ma connaissance je n'ai pas de lésion au cerveau, rien ne vient invalider un tel scénario. Pourquoi n'aurions nous pas un sentiment de familiarité avec des personnes déjà rencontrés dans une vie antérieure mais avec un corps différent. Ce scénario, aussi farfelu soit-il, semble d'autant plus vraisemblable que ce sentiment de familiarité est souvent partagé par l'autre personne comme s'il s'agissait d'un phénomène de reconnaissance mutuelle.
Pour conclure, je dirais. Selon L. Naccache le cerveau est une machine à construire des fictions. Pour que nous accordions de la créance à nos fictions il faut nécessairement qu'elles s'accordent entre-elles.
L'intuition de familiarité s'accorde avec celle des renaissances lorsqu'elle ne s'accorde pas avec celle d'identité même si cela peut sembler tiré par les cheveux pour un observateur extérieur comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit d'intuition.