Le traité de Bodhidharma

Le traité de Bodhidharma est le plus ancien texte du Chan. Bodhidharma serait le fils d'un roi de l'Inde du sud. Il serait arrivé en Chine vers l'année 527.

Le traité a pour objet les différentes manières d'accéder à la voie.
    "II est de multiples façons d'accéder à la Voie, mais toutes peuvent se ramener à deux types principaux : l'accès par le principe et l'accès par la pratique.

    L'accès par le principe consiste à réaliser le principe essentiel en s'appuyant sur la doctrine; c'est croire profondément en l'immanence, dans tous les êtres, d'une nature unique et véritable, que le voile irréel des souillures ne fait que masquer. Si l'on rejette l'erreur pour faire retour à la vérité, en se concentrant sur la contemplation murale, il n'y a plus de distinction entre soi-même et autrui, le profane et le saint s'avèrent égaux et un. Demeurer ferme et constant, affranchi de l'enseignement discursif, c'est s'accorder mystérieusement avec le vrai principe. Comme il n'y a plus nulle discrimination, tout est tranquille et exempt de noms. Tel est l’ « accès par le principe»."

    L' « accès par la pratique » renvoie aux quatre pratiques qui résument toutes les autres. Quelles sont ces quatre pratiques?
    Ce sont :
    1) savoir répondre à la haine ;
    2) être en accord avec les conditions ;
    3) ne rien tenir pour désirable ;
    4) être en parfaite harmonie avec le Dharma."

Savoir répondre à la haine signifie ne pas s’affliger devant l'adversité en comprenant l'origine karmique de celle-ci, fut-elle lointaine, et faire contre mauvaise fortune bon cœur, d'où une réaction appropriée et juste. Être en accord avec les conditions signifie être équanime, non seulement dans l'adversité mais aussi dans les bons moments. Ne rien tenir pour désirable, consiste à ne rien convoiter et donc à cultiver le "non-agir". Être en parfaite harmonie avec le Dharma signifie comprendre la vacuité de toute chose. Le sage est indépendant et sans attachement, il peut donc aider et guider les êtres.

Le traité rassemble ensuite de nombreux textes dont on n'est pas certain que Bodhidarma en soit l'auteur. Ces différents textes cultivent les paradoxes et sont hostiles à toutes discriminations comme celle entre le bien et le mal, le vrai et le faux et préconisent un accès direct aux choses elle-mêmes.
Dans les notes de Bernard Faure, j'aime beaucoup celle-ci:
"Le paradoxe de la tradition Chan est qu'elle se développa grâce à ceux de ses adeptes qui surent trouver les accents les plus éloquents pour glorifier le silence : les vrais partisans de l'illumination silencieuse... ont toujours eu une fâcheuse tendance à tomber dans l'oubli."
Ce qui surprend  le plus c'est l'hostilité aux textes mêmes :
"Discuter des phénomènes au moyen des sutras et des commentaires, c'est s'éloigner du Dharma. Plutôt que de parler et d'entendre parler des phénomènes, il vaudrait mieux en faire l'expérience en son corps et esprit."
Sans parler de l'hostilité à la méditation elle même dans l'un de ces textes. En fait, il est probable qu'il s'agisse d'une anthologie de textes rédigées par les disciples de Bodhidharma, d'où une certaine hétérogénéité. Ce dont ne parle pas ces textes et qui pourtant me semble important concerne la personnalité même de Bodhidharma ou du moins la légende autour de sa personne. Comme ce livre n'en parle pas ou fait comme si tout le monde en connaissait l'histoire, nous nous reporterons au livre de Jacques Brosse : Les Maîtres zen

Christian Gaudin - Vrai Zen pour chats

Avant de se pencher sur le Shobogenzo in extenso, il ne serait pas inutile de jeter un œil à celui-ci qui fait directement allusion au Vrai Zen de Deshimaru. Incontournable quand on a de jeunes enfants et que l'on s'intéresse au zen car il synthétise, non sans humour, les principaux thèmes du bouddhisme de Chakya-minou à Deshi-miaou. Le plus étonnant c'est de reconnaitre dans les décors certains endroits qui se trouvent réellement dans le temple zen de la Gendronnière à Valaire à côté de Blois fondé en 1980 par Deshimaru. A l'intérieur on trouve quelques citations illustrées dont celle de Bodhidharma :
"Le zen est une transmission spéciale en dehors des textes indépendante du mot et de la lettre, montrant directement le cœur de l’Être : saisir sa propre nature et devenir Bouddha"
Voilà qui donne envie d'en savoir plus sur  Bodhidharma, notamment sur la question du rapport entre l'esprit du zen et les textes. (c'est la problématique de ce petit blog)

Ce livre date de 2012 aux Éditions du Relié.

Taisen Deshimaru - Vrai Zen

Ce livre réunit les premiers textes de Deshimaru, Vrai Zen paru en 1969 et une introduction au Shobogenzo de Maître Dogen en 1970.

L'idée centrale de ces différents textes c'est de montrer l'importance fondamentale de zazen. Les textes sont courts et agréables à lire. Ils tentent de répondre aux différentes questions habituellement posées par les occidentaux sur le zen. Quel est son parcours? Quel est son projet et que peut-il apporter aux occidentaux? En quoi consiste le pratique de zazen et qu'apporte-t-elle? Comment se positionne le zen par rapport à la philosophie occidentale? Par rapport à la science? Par rapport à la médecine et à la psychologie? Quelle est la particularité de l'école Zen Soto dont il est issu par rapport aux autres écoles Zen?

Le Shobogenzo est, pour Deshimaru, l'un des textes les plus important, rédigé entre 1231 et 1253 par Maître Dogen, le fondateur du Zen Soto Japonais. Shobogenzo signifie le trésor de l'esprit du Dharma.
"Le shobogenzo de Maître Dogen a été écrit comme une cristallisation de son expérience religieuse. Pour le comprendre, nous devons l’expérimenter. Son expérimentation veut dire : pratique de zazen."
Comme le texte n'avait jamais été traduit, il propose une traduction de deux chapitres importants. Le Bendowa, le premier chapitre, est "un exposé sur l'importance de zazen" suivi d'un dialogue entre Maïtre Dogen et ses disciples. Puis, il résume les 95 chapitres du shobogenzo et se termine par la traduction du dernier chapitre qui porte sur les huit directives pour obtenir l'éveil que Dogen a dicté à son disciple sur son lit de mort.
1- Avoir peu de désirs
2- Se satisfaire de ce que l'on a
3- Vivre seul dans un endroit calme
4- Se concentrer avec une attention soutenue et aiguisée sur une seule chose à la fois.
5- Avoir en permanence une volonté forte, droite et sans illusion
6- Conserver l'esprit simple, calme et apaisé par la pratique de zazen
7- Pratiquer et obtenir la sagesse (voir par son intuition et avec les yeux de son esprit)
8- Ne pas trop bavarder, discuter, raisonner ou penser selon le sens commun.


Deshimaru résume le chapitre 53 intitulé Mujo Seppo comme suit :

"La parole des grands maîtres pour transmettre leur enseignement doit être libre comme le vol des oiseaux dans le ciel. Le Bouddha Shakyamuni a dit que l'enseignement de tous les bouddhas doit être empreint de liberté."
Ce qui semble être, ici-même, un résumé assez libre du chapitre 53.  Les résumés donnent, évidemment envie d'y regarder d'un peu plus près, d'autant plus que le Shobogenzo a été traduit depuis en sept volumes. L'idée de ce blog est précisément de croiser les textes, en y regardant d'un peu plus près, en s'attachant autant que possible à l'esprit plutôt qu'à la lettre conjointement à une pratique de zazen (sous la direction d'un maître, ayant été lui même disciple de Deshimaru).