Taisen Deshimaru - Enseignement oral - N° 8 - Shin jin mei de Maître Sosan

Lors d'un séminaire sur le Tchan, Catherine Despeux à beaucoup insisté sur l'importance de la pause à la fin de l'expiration en méditation. Elle a posé la question de savoir si on trouvait une telle idée chez Deshimaru et j'ai été bien étonné de trouver, à postériori, une occurrence de cette idée. Je serais passé à coté si Catherine Despeux n'avait pas attiré notre attention sur ce point.

"C'est la méthode de respiration qui est un facteur de dévelloppement d'énergie important dans la posture de zazen" (...)
"La respiration est à l'opposé de la respiration habituelle. L'accent est mis sur l'expiration qui doit être longue, profonde et calme. L'inspiration se fait alors automatiquement, après un court temps d'arrêt à la fin de l'expiration".

Catherine Despeux à insisté sur le fait qu'il ne faut pas bloquer la respiration mais seulement observer ce temps d'arrêt comme s'il devait apparaitre de lui-même.

On peut se demander à quoi ça sert. J'ai trouvé une vidéo qui répond assez bien à cette question ici



Lian Hearn - Le Clan des Otori, Tome 5 : Le Fil du destin

"Complots, trahisons, vengeances, mais aussi amitiés loyales et amours passionnées.... Shigeru grandit dans l’ atmosphère oppressante du chateau de Hagi, fief du Clan des Otori dont il est l’héritier. Il a l’étoffe d’un chef, un caractère noble et droit, une éducation accomplie qui le portent à régner. Mais il doit faire face aux appétits de conquêtes de son voisin, l’ambitieux Iida, et aux machinations et traîtrises de ses propres oncles. À la sanglante bataille de Yaegahara, son destin semble scellé. Pourtant, préparant dans le secret sa revanche , Shigeru attend son heure - lorsqu’il apprend qu’un jeune garçon vivant dans les montagnes lui ressemble étrangement...
Le Fil du destin s’achève ainsi là où commence Le Silence du Rossignol…

Après la publication des trois premiers tomes de sa saga, Lian Hearn a voulu raconter, dans Le Fil du destin, qui était Sire Shigeru. Puis elle a écrit la fin de l’histoire (Le Vol du héron). Le Fil du destin, à travers la vie héroïque de Sire Shigeru, nous permet de mieux comprendre ce Japon féodal magnifique et redoutable que Lian Hearn fait revivre dans son oeuvre avec une force évocatrice incomparable.
Ce que je trouve amusant c'est que j'ai lu Le Clan des Otori, bien avant de rencontrer le zen. Cela a peut-être contribué à m'ouvrir l'esprit. Un passage m'avait particulièrement marqué. C'est quand le jeune seigneur, Shigeru, se retrouve dans un monastère bouddhiste parce que son père l'a envoyé dans cet endroit pour se former et qu'il bout d'impatience d'en sortir.

"Chaque jour, Shigeru s'attendat à commencer ses leçons avec Matsuda. Toutefois il ne voyait pas venir le vieil homme et personne ne lui parlait sinon pour lui enseigner la doctrine de l'illuminé en compagnie des autres novices. Levés à minuit, les moines priaient en méditation jusqu'à l'aube avant de prendre le premier repas de la journée - un peu de riz bouilli mélangé avec de l'orge. Puis il se consacraient aux tâches quotidiennes du temple : balayer, laver, entretenir jardin et potagers, même si ces activités à l'extérieur étaient écourtées par la pluie. Les novices passaient trois heures à étudier, lire les textes sacrés et écouter le commentaire de leur maître. Après avoir pris une nouvelle collation durant la première demie de l'heure du Cheval, ils retournaient dans le bâtiment principal pour prier et méditer.
Plus tard dans l'après-midi, ils faisaient des exercices conçus pour les entrainer à maîtriser leur puissance vitale et rendre leur corps aussi fort que souple. Shigeru constata que ces exercices avaient un rapport avec le maniement du sabre par la position et les mouvements qu'ils comportaient, mais sans exiger la même rapidité. Cependant les garçon ne tenaient jamais un sabre dans les mains. Les hommes plus âgés s'entraînaient au même moment avec des bâtons. (...) Quand l'entrainement physique était terminé, ils prenaient encore un repas - des légumes et un peu de soupe - puis se couchaient au crépuscule afin de dormir quelques heures avant minuit. (...)
Le pire moment était celui qui suivait le repas du midi. Assis en tailleur sur des coussins noirs et durs dans la salle obscure, ils dodelinaient de la tête en essayant de ne pas fermer les yeux. L'air était confiné, chargé de relents d'encens, d'huile de cire. Souvent le prêtre dirigeant la méditation marchait en silence parmi eux et sa main s’abattait avec une vigueur soudaine sur une oreille ou une nuque. Le coupable se réveillait en sursaut, les yeux brillant et les joues empourprées.
Shigeru redoutait d'être ainsi frappé. Il ne craignait pas la douleur mais la honte d'une telle scène. Il lui était impossible d'oublier qu'il était l'héritier du clan des Otori (...)
Lorsqu'il n'eut plus la force de garder les yeux ouverts et sentit tout son corps s'affaisser pour dormir, le prêtre le gifla sans brutalité, juste assez fort pour le réveiller. Même s'il n'avait pas mal, toutefois, Shigeru fut envahi par une telle rage qu'il crut qu'il allait défaillir s'il ne frappait pas quelqu'un sur le champ. Serrant les poings et la mâchoire dans son effort pour se maîtriser, il tenta de plier ses émotions au rythme paisible et aux paroles sans passion des sutras, en renonçant à toute lutte et tout désir...
Mais c'était impossible; Il avait beau être assis immobile, son cœur bouillait de colère. Il débordait de désir, de passion, d'énergie. Pourquoi gaspillait-il sa force dans cet endroit morne et stérile? Il n'avait pas à rester puisqu'il perdait son temps. On ne lui dispensait même pas l'enseignement qu'il avait attendu avec tant d'impatience. (...)
Il décida de s'en aler le matin. (...)
Avant qu'il puisse parler, le vieil homme lui dit :
-Ne vous asseyez pas, sire Shigeru. Aujourd'hui, vous devez vous rendre auprès de Matsuda
-Pour quoi faire? répliqua Shigeru non sans impolitesse, pris de court par ce contretemps imprévu
-Il vous le dira
Le professeur lui sourit et saisit le rouleau qu'il voulait dicter.
-Ecrivez, lança-t-il aux autres novices. "les causes de la souffrance humaine sont multiples."
-Où le trouverai-je? demanda Shigeru.
-Il vous attend dans sa cellule, de l'autre côté du cloître.(...) " Etre éveillé est le propre de la vie. Le sot dort comme s'il était déjà mort"
(...)
Matsuda était débout, habillé comme pour un voyage
-Ah sire Shigeru. La pluie a cessé. Nous pouvons partir aujourd'hui
-Où allons-nous, sire Matsuda?
-Nous allons étudier l'art du sabre. N'est-ce pas pour cela que votre père vous a envoyé ici? (...)
Matsuda lança par dessus son épaule
-Mais peut-être avez-vous décidé de nous quitter?
-Je ne partirai pas sans vous consulter
-Vous êtes l'héritier du clan, sire Otori. Vous pouvez agir à votre guise. Il est inutile de consultez un vieil idiot comme moi
Shigeru se sentit rougir. Il ne pouvait rien dire soit il se fachait et s'en allait, soit il suivait Matsuda avec docilité. La gorge serré. Il ravala sa colère
-Vous m'avez fait un grand honneur en acceptant d'être mon professeur, déclara-t-il. Je crois que je suis plus idiot que vous ne l'avez jamais été.
-C'est bien possible, grommela le vieillard en souriant intérieurement. mais qui n'est pas un idiot à quinze ans?"
Il s'ensuit un récit d'apprentissage entre maître et disciple assez passionnant.

Lian Hearn - Le Clan des Otori, tome 1 : Le Silence du Rossignol

"Au XIVe siècle, dans un Japon médiéval mythique, le jeune Takeo grandit au sein d'une communauté paisible qui condamne la violence. Mais celle-ci est massacrée par les hommes d'Iida, chef du clan des Tohan. Takeo, sauvé par sire Shigeru, du Clan des Otori, se trouve plongé au cœur de luttes sanglantes entre les seigneurs de la guerre.
Il doit suivre son destin. (...) Lorsqu'il rencontre la belle Kaede, un amour fou naît entre les deux jeunes gens : devra-t-il choisir entre cet amour, sa dévotion à sire Shigeru et son désir de vengeance ? Sa quête le mènera jusqu'à la forteresse d'Inuyama, lorsqu'il marchera sur le " parquet du Rossignol ". Cette nuit-là, le rossignol chantera-t-il ?

J'aime particulièrement ce passage où Takeo s'entraine à l'escrime avec Kaede qu'il vient tout juste de rencontrer. Ils ont 15 ans tous les deux.

"Je pris mon bâton à contrecœur. Dehors la pluie redoublait de violence. La salle était plongée dans une lumière verdâtre qui estompait les contours. Nous semblions perdus dans un monde à part, isolé de la réalité, ensorcelé.
La reprise ressembla d'abord à un entrainement ordinaire, chacun de nous essayant de déstabiliser l'autre, mais j'avais sans cesse peur d'atteindre son visage et elle ne me quittait pas des yeux. Nous étions tous deux hésitants, embarqués dans un jeu étrange dont nous ignorions toutes les règles. Puis, sans que je puisse dire à quel instant, le combat se transforma en une sorte de danse. Un pas, un coup, une parade, un pas. Le souffle de Kaede s'accéléra, faisant écho au mien, jusqu'au moment où nous respirâmes à l'unisson, où ses yeux se mirent à briller dans son visage illuminé, où nos coups se firent plus violents et le rythme de nos pas plus trépidant. Par moment je dominais, puis c'était son tour, mais aucun de nous ne parvenait à prendre le dessus - en avions-nous seulement envie?
Enfin, presque par erreur, je déjouai sa garde et préférai lâcher mon bâton plutôt que de risquer de toucher son visage, Aussitôt, Kaede abaissa son propre bâton et lança:
-Je me rends
-c'était bien commenta Shizuka, mais je pense que Takeo aurait pu y mettre plus d'énergie.
Je restais debout, les yeux fixés sur Kaede, en ouvrant la bouche comme un idiot. Je me dis "Si je ne la serre pas dans mes bras maintenant, j'en mourrai"
Kenji me tendit une serviette et me donna une bonne tape en pleine poitrine
-Takeo... commença-t-il
-Quoi? dis-je d'un air hébété
-Essaie de ne pas tout compliquer!"

Ce passage décrit bien un micro-moment d'amour dont parle Barbara Frederickson dans Love 2.0 Finding Happiness and Health in Moments of Connection. On retrouve les trois points importants:
- partage d'une émotion positive
- synchronisation physiologique et physique
- Volonté consciente d'aider l'autre.

J'aime aussi ce passage parce qu'ils se donnent des coups de bâtons, ce qui n'est pas sans évoquer le Kyosaku. Les vibrations que l'on ressent lorsqu'on reçoit le Kyosaku donnent un tel effet de réel....