Jon Kabat-Zinn - Au coeur de la tourmente, la pleine conscience

Sur le Dogen Sangha Blog de  Gudo NISHIJIMA, voilà ce qu'on peut lire sur la pleine conscience :

"En effet, je pense depuis de nombreuses années que nous, vrais bouddhistes, devrions comprendre la vraie signification de "pleine conscience" et nous ne devons jamais mal comprendre que la "pleine conscience" est une sorte de vrai bouddhisme.  Parce que nous pensons qu'être en pleine conscience doit être un concept de philosophie idéaliste et par conséquent la référence isolée à la pleine conscience ne peut jamais être une pensée bouddhiste mais une pensée de la philosophie idéaliste. " On Mindfulness

 On pourrait ironiser longtemps sur la bêtise d'une  telle argumentation, reprise tête baissée par Brad Warner dans un article intitulé Why I Avoid Using the Word “Mindfulness”

En réponse à  Nishijima, voilà ce qu'écrit Thich Nhat Hanh dans la préface de ce livre

"Ce livre peut être décrit comme une porte ouverte sur le dharma (du côté du monde) et sur le monde (du côté du dharma). Quand le dharma prend réellement soin des problèmes de la vie, il s'agit du vrai dharma".
Le zen comme la "Mindfulness" peuvent donner lieu à des dérives. Quand il s'agit de soulager la souffrance et de promouvoir la méditation comme une voie de guérison, la question de savoir si c'est ou non du vrai bouddhisme devient très secondaire. Voici une raison de plus pour ne pas perdre son temps à bavarder sur des forums. Parler du zen est contraire à l'esprit du zen. C'est également vrai pour la pleine conscience.

vous pourriez facilement en arriver à parler beaucoup de la méditation et du yoga, disant combien ces pratiques sont merveilleuses... Petit à petit vous risqueriez de devenir davantage un agent qui en fait la publicité, plutôt qu'un praticien. Plus vous parlez, plus vous dissipez de l'énergie qui vous servirait davantage si elle était investie dans votre pratique.
En même temps Jon Kabat-Zinn écrit cela au bout de 500 pages. Il ne semble pas lui-même trop tenté par le silence. Personnellement c'est surtout les âneries que j'entends sur la pratique qui me donne envie d'écrire les miennes. L'idée de ce blog c'est de faire court et d'aller directement sur les points qui m'intéressent. 

Exemple d'ânerie que j'entends très souvent... la première fois c'était le maître que je fréquente qui me l'a sortie. Je lui parle de pleine conscience et il me répond du tac au tac : La conscience n'est jamais pleine. Sur le coup j'étais soufflé et je n'ai pas su quoi répondre. Du coup je me suis plongé d'une part dans la méditation et d'autre part dans les livres de Jon Kabat-Zinn pour savoir ce qu'il en est. Je me suis aperçu que mindfulness s'écrit qu'avec un seul f et qu' en anglais  To be mindful signifie être attentif et To be mindfull signifie avoir l'esprit encombré d'idée. Il s'agit donc d'avoir l'esprit clair, pas l'esprit plein.

De plus, le mot conscience en français se traduit par awareness (représentation de la réalité) ou consciousness (état de veille). On traduit souvent mind par esprit car le mot conscience est plus restrictif. L'esprit englobe la conscience mais non l'inverse. Par conséquent, pleine conscience ne signifie surtout pas conscience pleine. 

Dans la pratique, la dynamique du mental vous éloigne invariablement d'une observation intérieure profonde... Notre esprit nous attire vers ce qui est extérieur, ce que nous devons faire aujourd'hui, ce qui se passe dans nos vies. Mais dès l'instant ou ces pensées capturent notre attention et nous entraînent dans leur contenu, notre conscience s'arrête"
On voit bien dans cette citation que le mot conscience n'est pas pris dans son sens habituel sinon il faudrait m'expliquer comment la conscience pourrait s'arrêter. Rêvasser à ce que nous devons faire est bien de l'ordre de la conscience mais ce n'est plus de l'ordre de la présence au moment présent, de l'attention vigilante.

Reprenons ce que disait Eric Rommeluère de la Pleine Conscience : "La "dimension d'analyse est évacuée dans le mindfulness"... "une forme d'attention dénudée de sa fonction examinatrice"

Est-ce si vrai? Voici ce qu'écrit J. Kabat-Zinn p79

"Accepter ne signifie pas que vous devez aimer tout, ni que vous devez adopter une attitude passive envers tout et abandonner les principes et les valeurs qui sont les vôtres. Cela ne signifie pas non plus que vous êtes satisfait avec les choses telles qu'elles sont et que vous vous résignez à les supporter comme "il faut qu'elles soient" (...) ou que vous devriez tolérer l'injustice, par exemple, ou éviter de vous impliquer pour changer le monde qui vous entoure (...) L'acceptation dont nous parlons ici veut dire que vous êtes arrivé à vouloir voir les choses telles qu'elles sont. Cette attitude crée en vous les conditions nécessaires pour agir de façon appropriée dans votre vie, quoi qu'il advienne. Avec une vision claire de la situation, vous saurez quels actes poser et vous aurez la conviction intérieure d'agir, bien plus que quand votre vision est voilée par les jugements et les désirs égoïstes de votre esprit, ou par ses peurs et ses préjugés"

Ce sont toujours les mêmes critiques qui sont adressés au bouddhisme qui sont ici adressé à la Pleine conscience comme si une pratique contemplative impliquait nécessairement un retrait définitif du monde alors qu'il s'agit au contraire de retrouver les conditions nécessaires à l'action. La pleine conscience permet de cultiver un esprit clair et ouvert pas un esprit froid et indifférent au monde. Bien sûr, il n'est pas impossible de pratiquer dans cet esprit, c'est pourquoi cette critique est récurrente mais c'est la manière dont on pratique qui est responsable pas la pratique en elle-même.
Je sais bien que les défenseurs des armes à feu utilisent le même argument. Ce ne sont pas les armes à feu qui sont responsables des tueries pas ceux qui les manipulent sauf que les armes à feux ne sont pas faites pour se relaxer ni seulement pour dissuader un éventuel agresseur mais avant tout pour tuer.  On peut faire un mauvais usage de la pleine conscience, en se désengageant du monde mais ce n'est pas le but de la pleine conscience. Le but c'est d'y voir clair pour agir en conscience.

La lecture du livre dans son intégralité est plus passionnante que je ne pensais. Il est agrémenté de nombreux exemples de personnes ayant accrochées particulièrement à l'une des différentes techniques proposées. Alors qu'on aurait pu croire que ces différentes techniques forment un tout, elles sont plus indépendantes que je ne l'imaginais et elles sont toutes étonnamment proches de la pratique du zen. Par exemple, dans le zen on ne parle pas de scan corporel mais les enseignements pendant la méditation ne cessent d'énumérer les différentes parties du corps et d'insister sur les sensations de manières localisées. 

"Pour beaucoup de gens, c'est le scan corporel qui les mène vers leur première expérience de bien-être et d'intemporalité dans la pratique de la méditation"
On pourrait tiquer sur le mot "bien-être" parce qu'il est un mot qui fait penser à toutes les entreprises commerciales, pas toujours très honnêtes et pas toujours très fondées scientifiquement, sans parler du "new age" qui est très mal vu de nos jours aussi bien par les bouddhistes que par les non-bouddhistes. Dès qu'on parle de bien-être, apparait un sentiment de suspicion d'égoïsme d'une part et de produit de consommation d'autre part. Il ne faut pas oublier et les exemples sont là pour le rappeler qu'on parle ici de personnes qui sont dans une profonde détresse et qui souffrent de pathologies graves. 

La question qu'on pourrait se poser et qui n'est pas aborder dans le livre c'est quel intérêt il y aurait à pratiquer si l'on est déjà en bonne santé. J'aimerais ouvrir une parenthèse pour parler de Harumitsu Hida.
Les citations ci dessous sont extraites de: La méthode Hida 

"Quand j'avais six ans, j'ai été atteint du typhus qui a provoqué une pneumonie et de l'asthme  accompagné  de  violentes  diarrhées.  Avec  40  de  fièvre,  j'étais  tellement  affaibli que les médecins ont déclaré mon cas sans espoir.  (...) Au  fond  de  moi-même,  j'ai  voulu  obtenir  une  bonne  santé  et  un  corps  robuste,  comme  un  assoiffé  désire  boire.  Je  ne  voulais  pas  obtenir  une  bonne  santé seulement pour n'être pas malade mais je voulais devenir fort, vraiment fort, afin de pouvoir  faire  quelque  chose  courageusement  pour  les  autres.  "
La maladie ne permettait pas à Harumitsu Hida d'avoir une vie normale. Il a donc commencé par chercher un moyen de sortir de son état maladif mais avec pour projet de ne pas s'arrêter à un petit bien-être.
"J'ai  pensé  qu'il  fallait  acquérir  une  base  solide  pour  ma  démarche.  Je  devais  donc 
connaître   la   structure   du   corps   humain.   Pour   cela,   j'ai   rassemblé   les   livres  
d'anatomie et de physiologie de la bibliothèque de mon père. (...) Apprendre  ce  que  sont  le  métabolisme  et  le  renouvellement  des  cellules  m'a  particulièrement encouragé. Le corps humain n'est pas comme une statue en pierre ou  de  caoutchouc,  il  fonctionne  activement  et  est  capable  de  se  renouveler.  Si  je  réussissais à développer correctement cette capacité vitale immanente, j'étais sûr de pouvoir transformer complètement l'état actuel de mon corps, si lamentable et si laid. Si les cellules de ceux qui sont en bonne santé se renouvellent au bout de 7 ans, je mettrai 10 ans pour sortir de ma situation de faiblesse. Je mettrai 15 ans pour arriver à l'état d'un corps ordinaire et en persévérant pendant 20 ans, en y investissant ma vie, je pensais pouvoir dépasser le niveau ordinaire.
Il ne s'est pas contenté de la théorie il a aussi essayé de nombreuses techniques :
  A  la  suite  de  mes  lectures  sur  l'anatomie  et  la  physiologie,  j'ai  collectionné  toutes 
sortes  de  livres  sur  les  exercices  physiques  et  j'ai  lu  aussi  des  livres  de  médecine, 
d'hygiène, de physiologie des sports.  Chaque fois que j'ai rencontré un nouvel exercice, je l'ai pratiqué immédiatement et y ai réfléchi.

Ainsi en mettant en relation ses connaissances anatomiques et une pratique il obtient ses premiers résultat spectaculaires.
Rien  n'est  si  extraordinaire  qu'un  acte  effectué  avec  une  détermination  vitale  ;  la  sincérité  ultime  est  capable  de  toucher  le  ciel.  J'ai  réussi  à  atteindre  mon  premier  objectif.  Car l'état de ma santé s'est amélioré rapidement. La couleur de ma peau a changé. Mes  bras  qui  étaient  minces  comme  des  baguettes  se  sont  ornés  de  muscles  imposants, mes épaules sont devenues carrées. Comme je me sentais bien dans ma peau  ! Mon  visage  reflétait  la  vitalité,  mes  yeux  étaient  vivants,  mon  nez  et  ma  bouche  tendus  et  pleins  de  force.  Où  était  l'ombre  du  malade  de  jadis  ?  Pourtant  deux années seulement s'étaient écoulées...
« En cette année 1936, j'ai 53 ans (54 ans dans le texte de H. Hida). Mais pour ce qui  est  des  muscles,  des  organes  internes,  de  la  beauté  des  dents  et  de  la  force  physique, en quoi suis-je inférieur à ce que j'étais à 23 ou 24 ans en pleine jeunesse ? Il n'y a pas de différence. Au contraire, je dois reconnaître, avec satisfaction, que, sur  tous  les  points,  je  suis  en  train  de  progresser.  Et  je  suis  la  preuve  même  de  la  justesse de la méthode dont la pratique continuelle et rationnelle m'a permis d'obtenir et  de  maintenir  l'énergie  de  la  jeunesse,  ce  qui  donne  un  espoir  aux  autres.  Non  seulement  mon corps  est  jeune  mais  mon  esprit  comporte  autant  d'émotion  et  de  sincérité qu'au temps où j'ai décidé de transformer mon corps lorsque j'avais 18 ans. Quant à la force de volonté, j'en ai encore plus.  Il faut dire que j'ai obtenu tous ces résultats par l'intégration de l'esprit et du corps en un  unique  point  central  du  corps.  Ce  qui  peut  résulter  de  l'acquisition  du  véritable centre  du  corps  dépasse  toute  imagination.
 Si le bien-être est un état satisfaisant, rien n'empêche de penser qu'on peut aller beaucoup plus loin.
On peut aussi considérer qu'il est préférable non pas de vivre le plus longtemps possible mais de vivre en bonne santé le plus longtemps possible quelque soit la durée de la vie. D'un point de vue bouddhiste on peut aussi considérer comme important de ne pas mourir dans un état de confusion mentale quelque soit l'age auquel on parvient de manière à pouvoir choisir sereinement ce que l'on fait ou pas après sa vie. Bien sur, il s'agit d'une croyance bouddhiste à laquelle on n'est pas obligée de souscrire mais tout ce qui relève de la mort relève de toute façons des croyances y compris la croyance scientiste selon laquelle la vie s'arrête avec la mort cérébrale. Même si la croyance bouddhiste se révélait être fausse et la croyance scientiste vraie, on peut considérer qu'éviter autant que possible et le plus longtemps possible la confusion mentale est une bonne chose dans tous les cas.

Dans "Au cœur de la tourmente, la pleine conscience" il y a plusieurs passages particulièrement bien écrit dans lesquels Jon Kabat-Zinn pose le problème des médicaments et de tout ce qui relève des addictions surtout lorsqu'on est confronté à la souffrance chronique.

"Au plus léger reniflement, mal de tête ou mal d'estomac, les gens se précipitent dans le cabinet du médecin ou à la pharmacie, à la recherche du remède magique. (...) Les médicaments sont principalement utilisés pour réduire les symptômes d'inconfort et fonctionnent la plupart du temps très bien. L'ennui avec leur usage étendu est que les problèmes à l'origine desdits symptômes ne peuvent être pris en compte du simple fait que ceux-ci sont temporairement soulagés" (...) Ce que nous appelons symptômes est en réalité souvent la façon dont notre corps nous signale un déséquilibre. Ce sont des feedbacks indicatifs d'un déréglement. Ignorer ces messages ou, pire, les supprimer, peut uniquement entraîner des symptômes plus graves et, par la suite, des problèmes plus sérieux. Qui plus est, en faisant cela nous n'apprenons pas comment écouter et faire confiance à notre corps."
 Ces derniers mois il y a eu un nombre important d'article alarmant sur la consommation de médicaments anti-douleurs aux états unis...

5 commentaires:

  1. Salut Sb,

    Je ne suis pas bouddhiste mais je me suis quand même assez informé pour que ce que tu dis fasse réellement sens.

    Je fais ce commentaire presque vide de contenu, car je trouve finalement que ce blog qui tient la route à mes yeux du moins mérite quelques commentaires.

    Bien cdt.

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  2. t'as gazé tous nos échanges, t'est un vrai facho je le savais ...les fachos se cachent toujours sous la Gauche

    X

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    1. Nous étions hors sujet. Mon blog n'est pas le café du commerce.

      Je t'avoue que j'ai été saisi d'un doute sur l’intérêt de nos échanges après que mes échanges sur un forum bouddhiste ont été également gazé.

      Si on pouvait éviter les conversations de troll à l'avenir ce serait cool.

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  3. Ainsi ai-je entendu, au moment propice, la parole de sagesse suivante : jadis les herbes médicinales suffisaient à guérir les maladies. De nos jours, on a a recourt aux antibiotiques très très vite tout de suite...car lorsqu'on essaye les plantes, cela ne marche pas. Qu'en sera t'il de la prochaine génération, si nous continuons sur cette voie ?
    Il vaudrait mieux s'appliquer d'abord essayer les remèdes doux et perdre cette mauvaise habitude.

    Merci pour le pdf sur la vie de Harumitsu Hida.

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  4. "Qu'en sera t'il de la prochaine génération"

    J'y travaille avec la prochaine génération, en l’occurrence avec mes enfants.
    Ma fille est en première année de médecine.

    Les antibios ont quand même sauvé pas mal de monde, non?

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