Upasika Kee Nanayon - Pure et simple

Il s'agit d'un livre étonnant qui compile des enseignements d'une femme bouddhiste thaïlandaise qui s'est retirée du monde avec son oncle et sa tante sur une colline sur laquelle ils ont créé un petit centre de retraite consacré à suivre la voie du Bouddha. Le bruit courut que ses enseignements et sa pratique étaient d'un très haut niveau ce qui attira de plus en plus de monde dans ce petit centre. Ses enseignements furent enregistrés dans les années 1950 puis retranscrits sous forme de livre. La traduction en français date de 2013.

Ce qui surprend c'est d'une part la simplicité lié au fait qu'elle fait moins référence aux textes et à la culture bouddhiste qu'à sa propre expérience de pratiquante, d'autre part, le caractère vivant et vivifiant d'une telle parole. Bien qu'elle se base implicitement sur sa propre expérience, elle ne parle jamais d'elle-même à proprement parlé ce qui donne un sentiment d'universalité à ses propos. Il ne faut pas oublier, en lisant ce livre, que ces enseignements sont intimement liés à la pratique de la méditation. Elle incite à tourner le regard vers l'intérieur pour observer son propre esprit. Ses propres observations sont d'une justesse, d'une richesse de détails et d'une profondeur étonnante. Elle explique comment entrainer son esprit pour obtenir la compréhension qui naît de l'attention et du discernement afin de se libérer de la souffrance et de l'insatisfaction dû aux poisons mentaux que sont l'avidité, la colère et l'ignorance. Elle ne prétend pas pour autant que c'est facile. Il n'y a aucun angélisme dans ses propos. Tout est question d'endurance et de lâcher prise comme dans n'importe quel entrainement. Puis une fois que la pratique de la méditation est devenue une habitude, il s'agit de rendre cette pratique continue et habituelle dans toutes les circonstances de la vie quoi que l'on fasse.
"...être attentif et conscient à chaque inspiration et à chaque expiration, où que vous alliez, quoi que vous fassiez, que vous soyez en bonne santé ou malade et quelle que soient les circonstances intérieures et extérieures. L'esprit doit être dans un état de conscience qui englobe tout. Il doit être conscient de l'apparition et de la disparition des phénomènes mentaux à tout moment, au point d'empêcher la formation de pensées sujettes au désir et aux poisons mentaux, comme vous vous y laissiez entrainer autrefois".
 Ce livre est donc riche d'enseignements, il y a néanmoins deux idées qui m'ont particulièrement interpellées. La première dans la 3éme partie du premier chapitre:
"Les méditants qui considèrent que la non-observation d'un précepte est secondaire et insignifiante gâchent toute leur pratique"
Parfois, on peut être tenté de mesinterpréter certains textes dans la tradition zen soto qui laissent entendre que l'attitude juste nait uniquement de la pratique de la méditation et que cette attitude juste peut laisser une part de liberté dans l'interprétation des préceptes (Les 5 plus importants sont: 1 - ne pas nuire, ne pas tuer, 2 - ne pas voler, 3 - s'abstenir de pratiques sexuelles inconvenantes, 4 - ne pas mentir, médire, parler inutilement, 5 - ne pas consommer d'alcool ou de drogues.) Dans ses enseignements, Kee, explique bien comment les poisons mentaux se renforcent si l'on n'y prête pas attention. On peut donc très bien beaucoup méditer d'un côté et mal se comporter d'autre part mais, de fait, cela gâche tout. Le respect des préceptes est donc tout aussi important que la méditation elle-même. Cela peut paraître une évidence mais dans la vie de tous les jours c'est loin d'en être une.

La deuxième idée répond à une de mes questions sur la méditation, sur le rapport entre pensée et non-pensée:
"Si on travaille trop sur la vision pénétrante, on se perd dans les pensées ; et s'il y a trop de concentration, l'esprit reste immobile et imperturbable, mais sans aboutir à la moindre connaissance."
Toute la difficulté est de maintenir un équilibre entre les deux. Je pensais un peu naïvement qu'il fallait se maintenir dans la non-pensée mais quand j'y arrive j'ai l'impression qu'il ne se passe rien, de ne pas avancer, de perdre mon temps. A l'inverse quand je suis mes pensées, j'ai l'impression de ne pas méditer et donc j'ai également l'impression de perdre mon temps. En fait, il faut s’efforcer d'atteindre un état de calme et de sérénité à partir duquel il faut observer ce qui apparait à la conscience sans juger sans entretenir ni saisir le flux de pensées et sans mettre de mots sur ce flux et ne pas se saisir non plus du vide entre deux flux de pensées. De fait, on oscille d'instant en instant entre conscience de son corps, de sa respiration, de sa posture, de ses pensées, de ce qui se passe à l'intérieur et à l'extérieur sans qu'il y ait de véritable frontière entre l'intérieur et l'extérieur.

"Si vous n'êtes pas conscient de ce qui piège et attache l'esprit, vous resterez ignorant et sot"

Voilà, c'est dit.

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