Lian Hearn - Le Clan des Otori, Tome 5 : Le Fil du destin

"Complots, trahisons, vengeances, mais aussi amitiés loyales et amours passionnées.... Shigeru grandit dans l’ atmosphère oppressante du chateau de Hagi, fief du Clan des Otori dont il est l’héritier. Il a l’étoffe d’un chef, un caractère noble et droit, une éducation accomplie qui le portent à régner. Mais il doit faire face aux appétits de conquêtes de son voisin, l’ambitieux Iida, et aux machinations et traîtrises de ses propres oncles. À la sanglante bataille de Yaegahara, son destin semble scellé. Pourtant, préparant dans le secret sa revanche , Shigeru attend son heure - lorsqu’il apprend qu’un jeune garçon vivant dans les montagnes lui ressemble étrangement...
Le Fil du destin s’achève ainsi là où commence Le Silence du Rossignol…

Après la publication des trois premiers tomes de sa saga, Lian Hearn a voulu raconter, dans Le Fil du destin, qui était Sire Shigeru. Puis elle a écrit la fin de l’histoire (Le Vol du héron). Le Fil du destin, à travers la vie héroïque de Sire Shigeru, nous permet de mieux comprendre ce Japon féodal magnifique et redoutable que Lian Hearn fait revivre dans son oeuvre avec une force évocatrice incomparable.
Ce que je trouve amusant c'est que j'ai lu Le Clan des Otori, bien avant de rencontrer le zen. Cela a peut-être contribué à m'ouvrir l'esprit. Un passage m'avait particulièrement marqué. C'est quand le jeune seigneur, Shigeru, se retrouve dans un monastère bouddhiste parce que son père l'a envoyé dans cet endroit pour se former et qu'il bout d'impatience d'en sortir.

"Chaque jour, Shigeru s'attendat à commencer ses leçons avec Matsuda. Toutefois il ne voyait pas venir le vieil homme et personne ne lui parlait sinon pour lui enseigner la doctrine de l'illuminé en compagnie des autres novices. Levés à minuit, les moines priaient en méditation jusqu'à l'aube avant de prendre le premier repas de la journée - un peu de riz bouilli mélangé avec de l'orge. Puis il se consacraient aux tâches quotidiennes du temple : balayer, laver, entretenir jardin et potagers, même si ces activités à l'extérieur étaient écourtées par la pluie. Les novices passaient trois heures à étudier, lire les textes sacrés et écouter le commentaire de leur maître. Après avoir pris une nouvelle collation durant la première demie de l'heure du Cheval, ils retournaient dans le bâtiment principal pour prier et méditer.
Plus tard dans l'après-midi, ils faisaient des exercices conçus pour les entrainer à maîtriser leur puissance vitale et rendre leur corps aussi fort que souple. Shigeru constata que ces exercices avaient un rapport avec le maniement du sabre par la position et les mouvements qu'ils comportaient, mais sans exiger la même rapidité. Cependant les garçon ne tenaient jamais un sabre dans les mains. Les hommes plus âgés s'entraînaient au même moment avec des bâtons. (...) Quand l'entrainement physique était terminé, ils prenaient encore un repas - des légumes et un peu de soupe - puis se couchaient au crépuscule afin de dormir quelques heures avant minuit. (...)
Le pire moment était celui qui suivait le repas du midi. Assis en tailleur sur des coussins noirs et durs dans la salle obscure, ils dodelinaient de la tête en essayant de ne pas fermer les yeux. L'air était confiné, chargé de relents d'encens, d'huile de cire. Souvent le prêtre dirigeant la méditation marchait en silence parmi eux et sa main s’abattait avec une vigueur soudaine sur une oreille ou une nuque. Le coupable se réveillait en sursaut, les yeux brillant et les joues empourprées.
Shigeru redoutait d'être ainsi frappé. Il ne craignait pas la douleur mais la honte d'une telle scène. Il lui était impossible d'oublier qu'il était l'héritier du clan des Otori (...)
Lorsqu'il n'eut plus la force de garder les yeux ouverts et sentit tout son corps s'affaisser pour dormir, le prêtre le gifla sans brutalité, juste assez fort pour le réveiller. Même s'il n'avait pas mal, toutefois, Shigeru fut envahi par une telle rage qu'il crut qu'il allait défaillir s'il ne frappait pas quelqu'un sur le champ. Serrant les poings et la mâchoire dans son effort pour se maîtriser, il tenta de plier ses émotions au rythme paisible et aux paroles sans passion des sutras, en renonçant à toute lutte et tout désir...
Mais c'était impossible; Il avait beau être assis immobile, son cœur bouillait de colère. Il débordait de désir, de passion, d'énergie. Pourquoi gaspillait-il sa force dans cet endroit morne et stérile? Il n'avait pas à rester puisqu'il perdait son temps. On ne lui dispensait même pas l'enseignement qu'il avait attendu avec tant d'impatience. (...)
Il décida de s'en aler le matin. (...)
Avant qu'il puisse parler, le vieil homme lui dit :
-Ne vous asseyez pas, sire Shigeru. Aujourd'hui, vous devez vous rendre auprès de Matsuda
-Pour quoi faire? répliqua Shigeru non sans impolitesse, pris de court par ce contretemps imprévu
-Il vous le dira
Le professeur lui sourit et saisit le rouleau qu'il voulait dicter.
-Ecrivez, lança-t-il aux autres novices. "les causes de la souffrance humaine sont multiples."
-Où le trouverai-je? demanda Shigeru.
-Il vous attend dans sa cellule, de l'autre côté du cloître.(...) " Etre éveillé est le propre de la vie. Le sot dort comme s'il était déjà mort"
(...)
Matsuda était débout, habillé comme pour un voyage
-Ah sire Shigeru. La pluie a cessé. Nous pouvons partir aujourd'hui
-Où allons-nous, sire Matsuda?
-Nous allons étudier l'art du sabre. N'est-ce pas pour cela que votre père vous a envoyé ici? (...)
Matsuda lança par dessus son épaule
-Mais peut-être avez-vous décidé de nous quitter?
-Je ne partirai pas sans vous consulter
-Vous êtes l'héritier du clan, sire Otori. Vous pouvez agir à votre guise. Il est inutile de consultez un vieil idiot comme moi
Shigeru se sentit rougir. Il ne pouvait rien dire soit il se fachait et s'en allait, soit il suivait Matsuda avec docilité. La gorge serré. Il ravala sa colère
-Vous m'avez fait un grand honneur en acceptant d'être mon professeur, déclara-t-il. Je crois que je suis plus idiot que vous ne l'avez jamais été.
-C'est bien possible, grommela le vieillard en souriant intérieurement. mais qui n'est pas un idiot à quinze ans?"
Il s'ensuit un récit d'apprentissage entre maître et disciple assez passionnant.

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