Pourquoi "Dieu" Ne Disparaîtra Pas - Quand La Science Explique La Religion - Andrew Newberg - Eugene d'Aquili - Vince Rause

 

Selon les auteurs, Dieu ne disparaîtra pas parce que les humains ont un cerveau qui leur permet de faire naturellement l'expérience de "Dieu" sans qu'on puisse affirmer de manière catégorique qu'il s'agit d'une illusion ou d'un dysfonctionnement neurologique. 

Le problème c'est que pour affirmer une telle idée il faut faire abstraction du contexte et de l'interprétation qui est donné de cette expérience. Grosso modo, le dieu des monothéistes, la vacuité des bouddhistes ou l'atman/brahman des hindouistes renvoient à la même expérience, une expérience mystique d'expansion de la conscience, de disparition de l'ego et d'une unité avec un grand tout infini. 

Par conséquent "la présomption d'une vérité "exclusive" sur laquelle se fonde l'intolérance religieuse, pourrait émerger d'états incomplets de transcendance neurobiologique"  et à l'inverse quand l'expérience mystique réussit "l'esprit est confronté à un état d'unité absolue et sans compromis, où tous les conflits, toutes les contradictions, toutes les variantes de la Vérité qui s'affrontent, disparaissent dans une unicité harmonieuse et monolithique" 

La question que je me pose c'est de savoir si cette unicité harmonieuse n'est pas un peu factice.

"Il est remarquable que toutes ces histoires soient souvent semblables dans leurs thèmes, leurs détails et leurs intentions. Par exemple : Les évangiles nous disent que Jesus a passé quarante jours retiré dans le désert où il jeûnait, priait et endurait les tentations de Satan qui voulait briser sa foi et le détourner de sa destinée rédemptrice. Jésus a survécu à ces difficultés et il est retourné au monde en homme transformé, prêt à commencer sa mission qui devait le conduire à la mort sur la Croix et à sa résurrection qui devait suivre, ce qui devait ouvrir les portes du paradis et rétablir le don de la vie éternelle. Dans les écritures bouddhiques, le jeune prince Siddharta s'est assis dans le forêt sauvage pendant quarante jours où il jeûnait méditait et supportait les tentations du démon Mara, qui voulait le distraire de sa méditation et le détourner de son destin qui était de changer le monde. Le prince a survécu à ses difficultés dans le jungle pour finalement sortir de sa méditation épique en un être transformé qui en mourant au monde de la chair et en renaissant comme un esprit pur et éveillé, a enseigné au monde comment la mort et la souffrance peuvent être vraiment comprises grâce à la libération des attachements au monde matériel."

Cette lecture du bouddhisme me semble très tiré par les cheveux surtout en mettant au jour des oppositions dualistes qui dans le bouddhisme n'ont pas lieu d'être comme celle entre la chair et l'esprit. J'aimerais bien qu'on me cite un soutra qui dirait que le bouddha serait mort au monde de la chair. On lit bien plus souvent des textes bouddhistes qui mettent en garde contre le désir d'éternité. Je ne suis pas sûr que le bouddha soit resté 40 jours à méditer. Il me semble qu'il s'est éveillé au bout de 7 jours et qu'au total il y est resté 49 jours. Il reste la lutte contre les forces négatives que l'on trouve bien dans les deux histoires même si le bouddha donne l'impression de s'en foutre comme de l'an 40 de Mara des bois alors que le christianisme est beaucoup plus dualiste.

Je trouve ce livre très symptomatique de la manière dont l'esprit fonctionne dès qu'il est confronté à des dissonances cognitives. Parce que nous aimerions tous vivre dans un monde harmonieux où il n'y aurait plus de conflit on va chercher à réduire l'altérité au même sans se rendre compte de la violence que ça implique. 

A l'inverse je défends une position pluraliste non relativiste qui place l'intelligence et la raison au dessus du bonheur et du bien être. Je ne peux pas être sûr que ma vision du monde et de la religion soit vraie et que les autres sont fausses mais je ne manque pas d'arguments rationnels pour défendre cette vision. Ce n'est pas parce qu'elle me rendrait plus heureux qu'elle serait plus vraie. Or c'est un peu le parti pris du livre lorsqu'il fait de la religion un avantage pour la survie de l'espèce et qu'à l'inverse "une absence d'engagement religieux a un effet sur la mortalité équivalent à quarante ans passés à fumer un paquet de cigarettes par jour" quelque soit la religion. L'idée à laquelle s'oppose ce livre c'est que la religion aurait une dimension pathologique. Il reconnait que "certains états pathologiques comme la schizophrénie et l'épilepsie du lobe temporal peuvent déclencher des voix, des visions et d'autres effets hallucinatoires ayant souvent des connotations religieuses" mais qu'en même temps des études ont montré qu'en général, même des expériences mystiques et spirituelles légères étaient liées à des niveaux de santé psychologique générale plus élevés que la moyenne, en terme de meilleurs rapports interpersonnels, d'estime de soi plus élevée, de niveaux d'anxiété moindres d'identité personnelles plus claire, de souci accru pour les autres et de perspective générale de vie plus positive." Par conséquent les auteurs font une distinction entre les illusions mentales et les états mystiques authentiques et l'un des critères qui permet de faire cette distinction repose sur un sentiment de réalité. 

Et là on touche un aspect intéressant du livre:

"la logique veut que ce qui est moins réel soit contenu dans ce qui est plus réel, de la même façon qu'un rêve est contenu dans l'esprit du rêveur."(...) Bien que la notion d'une réalité plus réelle que celle dans laquelle nous vivons soit difficile à accepter sans en avoir fait personnellement l'expérience, quand l'esprit laisse tomber se préoccupation du monde, il peut percevoir cette plus grande réalité" "La sagesse des mystiques a prédit pendant des siècles ce que la neurologie démontre aujourd'hui comme vrai: dans l'existence unitaire absolue le soi se fond dans autrui. L'esprit et la matière sont une seule et même chose." Ce qui vient minorer le côté grandiloquent du livre c'est l'idée que la neurologie ne permet pas de décider que ce qui est perçu pendant une expérience mystique a une réalité objective ni qu'elle n'en a pas. 

Quand je lis des écrits de mystiques je n'arrive pas à comprendre comment ils peuvent aboutir à de tels délires sur Jésus ou Dieu alors qu'il n'y a rien de tel dans mes propres méditations. dans ce livre on trouve un début de réponse lorsqu'il classe les techniques de méditations en deux catégories générales: les approches passives "dans lesquelles l'intention est de débarrasser l'esprit de toute pensée consciente, et les approches actives dans lesquelles le but est de focaliser l'esprit sur un objet d'attention -un mantra, par exemple ou un symbole ou un verset des écritures" Dans l'approche active par exemple il y a un moment où l'esprit éprouverait la perception saisissante que le soi individuel a été absorbé mystiquement dans la réalité transcendante de Jésus.

Inversement "un bouddhiste qui ne croit pas à un Dieu personnalisé pourrait interpréter son expérience mystique comme une fusion dans le néant (...) Ces interprétations différentes sont inévitablement déformées par une subjectivité postérieures au faits. Pendant l'état d'existence unitaire absolue, les observations subjectives sont impossibles. D'un côté il n'existe aucun soi subjectif pour les faire, et de l'autre, il n'y a rien de distinct à observer. L'observateur et l'observation sont une seule et même chose."

Autrement dit l'expérience étant ineffable il est facile après coup de broder n'importe quoi dessus. Simplement plutôt qu'un discours mystique qui tente à tout prix de justifier ses croyances absurdes par une expérience dont on ne peut rien dire il me semble préférable d'opter pour un discours purement négatif autour de ce rien, ce vide, dont on peut faire l'expérience.  Mais comme ce vide semble empli d'amour chaleureux pour qui en fait l'expérience, parler de vide auquel on a tendance à associer un froid glacial intersidéral est également problématique. Il parait infiniment plus réel que la perception habituelle de la réalité et les expériences dans des scanners dont parlent ce livre en prouvent le fondement neurologique sans pouvoir pour autant faire le tri autrement que par les effets que produisent ces expériences.



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