Shodoka - Yoka Daishi - Traduit et commenté par Taisen Deshimaru

"Le Shodoka, ou "Chant de l’immédiat satori", est l’un des textes essentiels du Zen. Composé de 78 poèmes, il a été écrit au VIIIe siècle par le maître chinois Yoka Daishi." disciple de Houeï Neng. Le commentaire de Deshimaru date de 1978.

Ce qui m'intéresse c'est ce qui sépare le commentaire de Deshimaru de celui de Kodo Sawaki même si l'un s'inscrit dans la continuation de l'autre. Dans son commentaire, Deshimaru reprend souvent mot pour mot ce que dit Kodo Sawaki mais il ne reprend pas la totalité des propos de celui-ci. Les silences de Deshimaru, je l'espère, en disent long.



"Yoka Daishi:
Cher ami, ne vois-tu pas cet homme du satori qui a cessé d'étudier et vit sans effort?

Commentaire de Taisen Deshimaru:
L'homme qui a cessé d'étudier (et ne cherche plus rien) (...) a abandonné son propre ego et suit de façon absolue le véritable système cosmique."

Puisque le réel prêche le dharma, il suffit d'y être attentif pour s'harmoniser avec l'ordre cosmique et s'y abandonner.

 "Yoka Daishi:
La vraie nature de notre ignorance est la nature de Bouddha (...)

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Parfois, nous sommes bons, parfois mauvais : notre corps fait zazen ou bien prend trop d'alcool ou de drogue... Il faut savoir embrasser les contradictions. (...) Ku, l'existence sans noumène, signifie le fait de s'harmoniser avec la vie. (...) Notre corps d'illusions est éphémère, celui du Bouddha éternel, mais le maintenant et l'ici, l'éphémère et l'éternel ne sont ni séparés ni en dualité. Le moment présent devient éternité... Notre corps lui-même est le cosmos... Notre corps devient Bouddha ou Dieu par zazen. (...) Ne pensez pas avec votre cerveau et votre conscience, mais avec votre corps tout entier."

Zazen permet d'unifier le corps et l'esprit et d'embrasser les contradictions.
"Yoka Daishi:
Les nuages flottants des cinq skandhas vont et viennent dans le ciel, l'écume des trois poisons apparait et disparait sur l'océan

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Qu'est-ce que la vie cosmique, le système cosmique? C'est la vie : le mouvement des astres, de la terre, des montagnes, des rivières, des océans, des arbres, des plantes, le mouvement continuel. (...) les hommes ont tendance à penser qu'eux seuls bénéficient de la vie. Ils oublient facilement les animaux, les plantes et la nature qui les entourent. Pourtant nous devons respecter cette vie cosmique. Nous en faisons partie. Nous vivons en interdépendance avec elle.
S'harmoniser avec l'ordre cosmique, c'est s'harmoniser avec la nature (plantes incluses)


"Yoka Daishi: 
Si nous comprenons la réalité, pour nous n'existe plus ni l'homme ni la loi

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Pendant Zazen, nous abandonnons l'ego, ainsi que nos distinctions du bien et du mal."
 S'harmoniser avec l'ordre cosmique, c'est être par delà le bien et le mal.
 
"Yoka Daishi: 
Si vous réalisez subitement, dans l'instant, le zen du Bouddha, les six paramitas et les dix mille pratiques se réalisent dans votre corps

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Le zen qui se contente d'étudier successivement les différents aspects de l'enseignement du Bouddha ne peut conduire à cette compréhension immédiate et intuitive, ici et maintenant. Pratiquer zazen ici et maintenant, c'est pratiquer le véritable enseignement du Bouddha.

On retrouve ici la polémique entre l'approche subite (école du sud) à laquelle Deshimaru associe zazen et l'approche graduelle (école du Nord) qui "étudie plus particulièrement les sutras et les préceptes". On s’interrogera au passage à la question de savoir pourquoi le zen qui est d'habitude si prompt à embrasser les contradictions privilégie ici l'approche subite.  Il est quand même curieux de lire dans un livre :" Cette étude ne se fait pas à travers des livres, ce qui serait dangereux et laisserait place à de nombreuses erreurs, mais par la pratique du corps et la transmission directe "de mon âme à ton âme" du Maître au disciple. La question qui se pose alors c'est de savoir s'il y a une discussion possible entre le maître et le disciple. L'étude des livres permet de les faire dialoguer entre eux. Il n'est pas certain qu'ils disent tous la même chose. Il est même probable qu'ils contiennent eux-mêmes des erreurs, c'est pourquoi ils sont potentiellement dangereux. Néanmoins, il est vrai aussi que quand on s'éveille il n'est plus besoin de chercher dans les livres, il suffit de suivre l'ordre cosmique. On ne fera jamais que retrouver dans les livres ce que l'on a déjà compris par une expérience directe.

 "Yoka Daishi: 
Qui est non-pensée (munen)? Qui est non-né (musho)? Si le non-né existe réellement il ne peut naître non plus.

Commentaire de Taisen Deshimaru:
S'il n'y a pas d'illusion, alors plus besoin de satori. Chacun a ses propres opinions, chacun porte des verres de couleur différente. Peu sont sans lunettes. Aussi vous ne devez pas vous adresser aux autres
Ah bon d'accord, ok je vais arrêter d'aller sur des forums poser des questions alors.

"Yoka Daishi: 
L'homme vrai saisit l'épée de la Sagesse. Pointe acérée de la sagesse flamme aussi puissante que le diamant

Commentaire de Taisen Deshimaru:
Couper son Karma, aller au-delà, grâce à l'épée de la Sagesse, se couper soi-même. La posture de zazen, dans toute sa puissance, est l'épée de la sagesse, la meilleure épée, acérée comme le katana des samouraïs. Elle ne sert pas à tuer les hommes mais soi-même, ses illusions, son karma" (...) Mourir d'amour ou mourir à la guerre pour un idéal, se dévouer à la mort comme un samouraï est plus facile que vivre. Vivre réellement reste l'acte le plus difficile
Même si la critique est ténue, il me semble que le zen de Deshimaru ne s'apparente pas à la voie du guerrier (bushido)


1 commentaire:

  1. Sb a écrit:
    "Ah bon d'accord, ok je vais arrêter d'aller sur des forums poser des questions alors."

    ;)

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